ZOOM sur… Pierre-Jean Cherer

Interview

Comédien et Metteur en scène

Enfant, les clowns le fascinaient, les films de Charlie Chaplin, Buster Keaton ou de Laurel et Hardy l’enchantaient. En devenant comédien et metteur en scène, l’univers théâtral de Pierre-Jean Cherer s’est naturellement tourné vers des spectacles qui favorisent les univers visuels. Rien de plus logique non ?…

Pierre-Jean Cherer dans Papy et Mamy

Question : Pierre-Jean Cherer, votre dernier spectacle s’intitule “Papy et Mamy”. Vous en assurez la mise en scène et vous interprétez le rôle de Papy. C’est un spectacle très drôle et plein de poésie, mais qui a une facture particulière au théâtre. Il n’y a aucun texte. Vous et les trois autres acteurs interprétez des rôles muets. Que pouvez-vous nous en dire ?

Pierre-Jean Cherer : Je préfère parler de jeu visuel plutôt que de jeu muet.Car les personnages prononcent des mots, grommèlent, chantent. Le fait de présenter ce travail à travers le prisme du jeu visuel nous permet de voir et de comprendre les relations entre les personnages et le public. Ce spectacle “Papy et Mamy” est visible par toutes les générations et par des personnes parlant toutes les langues.    

Q : Qu’est-ce qui vous a conduit à ce type de jeu aussi bien en tant que comédien qu’en tant que metteur en scène ?

P.J.C. : Avec mon frère Denis Cherer, également comédien, on avait créé des numéros essentiellement visuels dans une dizaine de spectacles qui ont été vus aussi bien à Paris qu’en province. C’est devenu notre marque de fabrique. L’univers que je crée de cette façon s’appuie sur la réalité. En fait, je donne ma propre vision d’une réalité que je ré-interprète à travers le mouvement et la musique. Au-delà de cette vision personnelle, dans ces spectacles sans mots intervient aussi la ré-interprétation du spectacle que font les spectateurs. 

Q. : “Papy et Mamy” est un spectacle qui met en scène deux personnes très âgées, qu’est-ce qui vous a donné envie de choisir et de travailler sue ce sujet ? 

P.J.C. : En général, on considère que devenir âgé est une déchéance. Selon moi, la vieillesse, ce n’est pas une question d’âge, mais d’attitude face à la vie. En vieillissant, certains couples ne se parlent plus et opposent dans l’intimité un visage sombre et fermé. Quand des soignants extérieurs arrivent, une attitude différente se met en place: plus d’ouverture, de contact… Et cette différence d’attitude est le maître mot de cette pièce. Papy et Mamy changent quand apparaissent ces jeunes gens que sont l’aide ménagère et le kiné. J’ai eu envie de raconter une histoire d’amour au moment où la vie va se terminer. La jeunesse qui arrive pour prendre soin des vieillards est le retour d’un éveil, le retour de sa propre jeunesse et de sa propre étincelle.

Q.: Jouer “Papy et Mamy” en mettant en place ce jeu visuel qui ne comporte aucune parole et s’appuie sur le mouvement et le corps est une proposition particulière. De quelle façon celle-ci a-t-elle été perçue puis acceptée par les acteurs engagés autour de ce projet ? Comment avez-vous travaillé ensemble et de quelle façon avez-vous organisé la direction d’acteurs ?  

P.J.C.: Je connaissais bien Marie-Bénédicte Roy qui joue le rôle de Mamy, mais je n’avais jamais joué avec Sarah Ibrahim qui est aussi chanteuse. Quant à Clément Chérer, il est danseur, il n’avait jamais joué au théâtre, c’est mon fils et on n’avait jamais travaillé ensemble. Par contre, ils connaissaient tous mon univers. Je leur ai raconté l’histoire en quelques phrases en écrivant un scénario de 3 pages où je décrivais les scènes que j’avais dans la tête et la façon dont je comptais les monter. Notre travail a comporté une grande part d’improvisations pour la création des personnages. Ce qui a bien marché, c’est leur confiance mutuelle dans mes propositions. Par contre, l’improvisation n’était pas suffisante. Dans le travail visuel, chaque intention doit être soutenue par le geste. Les répétitions sont très nombreuses afin de retrouver le naturel du geste, casser la mécanique pour parvenir à la fluidité et aller le plus loin possible dans la proposition.   Dans ce spectacle, malgré l’absence de mots, on cherche la sincérité des personnages. Pour les plus jeunes, il s’agissait de trouver les chemins qui conduiraient à  la  façon de redonner de la vie à ces personnes très âgées. Dans cette recherche, il fallait aussi en tant qu’acteurs être dans la sincérité. 

Q.: Comment voyez-vous l’évolution de ce travail autour du visuel ? Quels sont aussi les prolongements de votre pièce “Papy et Mamy”  ?

P.J.C. : Je souhaiterais jouer cette pièce partout dans le monde et cette forme sur le visuel, sans aucune langue parlée rend ce projet possible. En tous cas, c’est le souhait que je formule. J’écris des contes, des fables, des romans. J’adore les mots mais mon univers de prédilection reste le visuel. Le monde et la vie nous proposent des interprétations qui conduisent à la poésie. Selon moi, le spectateur doit être bousculé, réveillé et il peut l’être en partageant des images, des idées, de la poésie. Notre mission, en tant qu’artiste, est d’essayer de rendre le monde meilleure et les découvertes sont des chemins. J’aime l’originalité, la sincérité… Papy et Mamy, on les aime, ils sont terriblement humains et même vieux le cœur bat. J’aime sentir battre les coeurs à l’unisson en faisant croire que l’histoire que l’on raconte est vraie et qu’en allant la voir, on en sort heureux.   

Pierre-Jean Cherer

Propos recueillis par Dany Toubiana / Octobre 2023

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