Théâtre : Un chapeau de paille d'Italie Texte : Eugène Labiche - Mise en scène : Emmanuel Besnault & Benoît Gruel

Un chapeau de paille d’Italie

Texte : Eugène Labiche

Mise en scène : Emmanuel Besnault & Benoît Gruel

Théâtre - : Texte : Eugène Labiche - Mise en scène : Emmanuel Besnault & Benoît Gruel
Photos Philippe Hanula
Fidélité entre le théâtre du Lucernaire à Paris et La Compagnie de l’Éternel Été dirigée par Emmanuel Besnault. Après “Les fourberies de Scapin” et "Fantasio” d’Alfred de Musset, est programmée une nouvelle création : “Un chapeau de paille d’Italie” d’Eugène Labiche, mise en scène par Emmanuel Besnault et Benoît Gruel. Théâtre classique ou comédie de boulevard, la troupe de l’Éternel Été a toujours une façon bien à elle de revisiter les genres théâtraux…

Se marier ? Une affaire sérieuse…mais…!

Fadinard, un jeune parisien des plus sérieux doit épouser ce matin-là Hélène Nonancourt, fille de pépiniéristes de Charentonneau. Mais, la veille, en passant au bois de Vincennes, le cheval de son fiacre n’a pu résister à un petit déjeuner des plus délicieux. Il a “goûté” à un chapeau de paille d’Italie suspendu à une branche d’arbre. Nous voilà au début d’une affaire d’état. Le dit chapeau appartient à Anaïs, une jolie jeune femme mariée qui a enlevé son chapeau pour se perdre dans les bras de son amant, un beau militaire. Le couple exige de Fadinard que le chapeau soit remplacé car c’est un cadeau du mari très jaloux de la belle Anaïs !…Échapper à la hargne de l’amant, retrouver un chapeau identique devient pour Fadinard un casse tête des plus déprimants, surtout quand la seule chose urgente ce jour-là est de célébrer son mariage.…Jour important, certes, mais avec une belle-mère encombrante et l’ensemble de la noce sur ses talons, pas facile pour le futur marié de réparer les méfaits d’un cheval ! Une montagne d’imprévus avec des tas d’ennuis !…

Théâtre - : Texte : Eugène Labiche - Mise en scène : Emmanuel Besnault & Benoît Gruel
Photos Philippe Hanula

Un vaudeville électro-onirique

Sous la direction d’Emmanuel Besnault, La Compagnie de l’Éternel Été invente depuis ses débuts, des chemins inédits aux pièces du répertoire. Les interprétations inscrivent la mise en scène et la dramaturgie dans le monde actuel, toujours sous la forme d’un travail de troupe joyeux, musical et d’une précision diabolique qui associe la scène et la salle. La pièce de Labiche est une comédie de boulevard. Le genre s’apparente à un comique basé sur les oppositions et les travers des classes sociales plutôt bourgeoises. Le génie comique de Labiche est conservé, mais dans leur mise en scène, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel cassent les cadres et les références pour transformer les situations en un rêve éveillé de Fadinard, inquiet à l’idée de se marier. Rêve éveillé mais aussi cauchemar qui finit par tout chambouler. La scénographie met en place une chambre d’enfant, emplie de peluches et d’énormes nounours avec lesquels Fadinard passe ses nuits, et qui se transforme au fil de l’action, en un lieu fantasmé. Un espace blanc et moelleux, encombré de coussins, de matelas, de couettes où Le sol mouvant représente un danger permanent. On a du mal à se déplacer dans ce lieu, mais on peut s’y cacher. On s’y enfonce, on rebondit et on tombe sans se faire mal et même en faisant des pirouettes. Le jeu délirant et acrobatique des comédiens se déroule sur une sorte d’immense lit – symbole aussi de la nuit de noces à venir.
Comme dans les pièces évoquées précédemment, le décor relève de la machine à jouer. Les personnages disparaissent, leur tête réapparaît dans un trou de rideau et fait peur de façon rocambolesque. Le jeu devient totalement délirant. Comme des marionnettes derrière un castelet, les personnages surgissent et se confrontent dans une mise en danger permanente. Les spectateurs finissent par se trouver inclus dans le jeu. Ils deviennent à leur tour les invités et les témoins de ce mariage en préparation, pris à partie dans une superbe bataille de peluches entre la scène et la salle.

Théâtre - : Texte : Eugène Labiche - Mise en scène : Emmanuel Besnault & Benoît Gruel
Photos Philippe Hanula

La mise en danger des personnages

Mais “pourquoi se marier avec quelqu’un signifierait forcément se marier aussi avec sa famille ? » s’interrogent les metteurs en scène. Loin de la psychologie et du réalisme vers lesquels, on tire souvent les personnages des comédies de boulevard, les acteurs évoluent ici dans un danger physique permanent qui tend vers l’irréalité ou le fantasme. Le remplacement du chapeau de paille ressemble à un prétexte qui ouvre d’autres chemins. La modiste à qui Fadinard s’adresse est une surprise: c’est une ancienne amoureuse. Le personnage de la mariée qui, dans la pièce de Labiche, se trouve enfermée dans le conformisme et la soumission, est ici supprimé et devient “un objet de mystère, un symbole et un but invisible”. Le beau-père qui, dans la version classique, occupe tout l’espace est remplacé ici par une belle-mère envahissante et qui signale régulièrement à son gendre que “tout est rompu”. Dans un rythme échevelé des situations, les répliques fusent, le jeu des comédiens passe sans arrêt de la prouesse acrobatique, au chant, à la musique électro ou à la danse. Ces choix dramaturgiques initient d’autres références à la pièce: éclatement des codes de la comédie de boulevard, création d’autres références où l’épousée non incarnée constitue une sorte de rêve à atteindre, à moins que ne lui soit reconnue une liberté totale qui s’inscrira dans le mariage.
Sur un plateau devenu espace du songe, le théâtre retrouve ici une de ses fonctions premières : “rendre réel l’impossible”. La fin de la pièce est une fausse conclusion, comme le jeu des enfants qui s’arrête en raison d’une fatigue passagère. Fadinard s’est-il marié ? Peut-être. Mais est-ce le plus important ? On a couru, on s’est amusé, battu, on a encore couru et on a surtout ri comme des fous !
“Agrippez-vous à votre oreiller ! La nuit, tout est possible..” nous souffle La Compagnie de l’Éternel Été. Dans leur théâtre, la virtuosité se dispute à l’énergie et l’imagination. Alors suivez-les et ne ratez surtout pas leur dernier spectacle !


Un chapeau de paille d’Italie

Vaudeville Électro- Onirique

De Eugène Labiche
Mise en Scène : Emmanuel Besnault & Benoit Gruel

Avec : Guillaume Collignon, Victor Duez, Sarah Fuentes, Mélanie Le Duc, Emmanuel Besnault

Durée : 1 h 15

  • Musique : Benjamin Migneco

  • Lumières : Cyril Manetta

  • Costumes : Magdaléna Calloc’h

  • Scénographie : Emmanuel Besnault & Benoit Gruel

Théâtre Le Lucernaire – 75 006 Paris


Du 10 Janvier Au 17 Mars 2024 – Du Mardi au Samedi : 19 h – Dimanche: 16 h

Dates de tournée à venir : Festival Off d’Avignon – Juillet 2024

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