Théâtre - : Zoé - Texte &Mise en scène : Julie Timmerman

Zoé

Texte & Mise en scène : Julie Timmerman

En tant qu’autrice et metteure en scène, dans un diptyque (“Un démocrate” et Bananas (and Kings)), Julie Timmerman avait disséqué le système de domination mis en place en démocratie, tout au long du XX° siècle, via la com’ et les lobbys.  Avec “Zoé”, sa dernière création, elle quitte l’analyse politique pour faire fiction d’une histoire personnelle: celle vécue avec son père atteint de troubles bipolaires… 
Théâtre - : Zoé - Texte &Mise en scène : Julie Timmerman
Photo Pascal Gelly

Jours de terreurs et jours de merveilles

Fille unique d’un couple de comédiens, Zoé est une petite fille douée. Elle apprend le piano, adore les histoires que lui raconte son papa “qui n’est pas son papa, lui dit-il, mais son camarade”. Tout irait bien si parfois ce papa qu’elle aime tant, n’avait pas des comportements étranges en commençant des meubles qu’il ne finit pas (ce qui finit par exaspérer se maman), en mettant du désordre dans la maison, sans jamais ranger ses affaires, mais surtout en passant par des moments où il devient si bizarre qu’il peut faire peur. Le papa de Zoé a un immense talent d’acteur que tout le monde lui reconnaît, mais il est atteint de troubles bipolaires et il affirme que “faire ce que font les autres c’est être un mouton”. Heureusement que Zoé a un super copain, Victor, dont le papa travaille à la Samaritaine et avec qui elle invente des histoires et des jeux extraordinaires. Même si la famille de Zoé est parfois bizarre, Victor adore venir chez eux…Quand Zoé a 8 ans, Papa se promène avec un faux nez et une épée qui se prend dans les portes en riant très fort. Victor regarde le Club Dorothée à la télé, Zoé préfère écouter Siegfried de Wagner que son papa lui a fait découvrir.
Quand Zoé a 10 ans, son papa joue un grand rôle au théâtre , le Roi “Lire”, mais, à la maison, il traîne toute la journée en pyjama et maman se met en colère. Victor Joue Brunehilde et Zoé joue Siegfried toujours sur la musique de Wagner… La vie à la maison est devenue vraiment bizarre…

Une nef des fous

Dans une scénographie créée par James Brandily, un carré dessiné sur le plateau délimite la cuisine, une cuisine en total désordre, où la table est en fils tendus ; le père passe parfois à travers lors de moments dépressifs. Des tulles tout autour, une lumière blafarde, le reste de l’appartement que l’on devine au fond du plateau. Espace onirique semble-t-il car lorsque Zoé raconte, les souvenirs semblent arriver par le fond. Les tulles ressemblent à des voiles de bateau et peut-être sommes-nous, après tout sur une nef des fous ?
Dès le prologue, la narration est établie par une Zoé âgée de 40 ans, (le même âge que celui de l’autrice et metteure en scène). “L’intime, ici, prend toute la place, nous dit Julie Timmerman, nous voilà dans une histoire de famille, contée par une héroïne éponyme qui décide de se confronter à un passé familial qui a laissé des traces”.
On ne peut donc nier la nature autobiographique de la pièce, mais en dépit de l’intimité du sujet, nous sommes dans une fiction théâtrale où l’écriture et la mise en scène prennent une certaine distance avec la confrontation du passé.
Éclairer le présent en puisant dans le passé est au coeur de tout le travail de Julie Timmerman dans ses pièces politiques. Dans cette pièce qui joue sur l’intime, le processus fut le même. Le texte de “Zoé” se refuse à examiner les ressorts de la maladie mentale du père ou à ancrer l’action dans l’intimité d’une réalité personnelle et vécue. La musique de Wagner nous replace dans la fiction et revient comme un leitmotiv dans le jeu des enfants et au centre des délires du père. Elle souligne ici “la démesure et l’inadéquation des comportements du père dans le quotidien le plus banal”.

Théâtre - : Zoé - Texte &Mise en scène : Julie Timmerman
Photo Pascal Gelly

Récit d’une émancipation

Le plateau se couvre peu à peu de papiers, d’objets. Le désordre devient une image projetée de l’état mental du père et de la confusion des relations familiales. Ici pas d’objectivité dans le récit de la maladie mentale, mais une sorte de fable éclatée qui devient aussi la projection personnelle de chaque membre de la famille. Le père oscille entre amour excessif et contrôle de sa fille qui découvre le théâtre et à qui il impose son point de vue. Sa femme tente de prendre de la distance pour échapper aux troubles bipolaires de son mari. Entre les deux Zoé, enfant, puis adolescente, oscille entre l’amour pour son père et le chemin à trouver pour échapper à son emprise. En grandissant, elle finit par lui ressembler et finir par étouffer physiquement et psychologiquement. Il reste cependant l’amour entre ce père bipolaire et sa fille. Entre eux, demeure aussi la nécessité de l’art. Pour Zoé, pour respirer librement, il lui faut quitter définitivement son père, suivre son propre chemin, se sauvegarder et s’ouvrir à sa vision du monde. Elle ne le verra pas pendant dix ans.
Au centre de la pièce, surgissent des questions centrales. Comment comprendre le monde et se comprendre soi-même quand la grille de lecture qui nous est donnée est en décalage et inadaptée à la réalité ? Comment quitte-t-on quelqu’un qui est malade et que l’on aime ? Je suis qui ? Je suis où ? J’attends que l’on me réveille… L’accès à la liberté de Zoé est un parcours d’émancipation pour échapper à l’emprise et créer son propre rapport au monde.
La naissance de sa fille a été le moteur qui a conduit Julie Timmerman à écrire cette fiction théâtrale , basée sur son histoire personnelle. Le chemin fut parfois compliqué raconte-t-elle, mais la présence de comédiens fidèles et précieux ont soutenu le projet.
Déjà présents dans ses autres pièces, Mathieu Desfemmes (le père), Anne Cressent (la mère) Alice Le Strat (Zoé) et Jean Baptiste Verquin (Victor et tous les autres rôles), proposent un jeu généreux et totalement engagé où l’émotion juste n’a rien de démonstratif. Le résultat est parfois dérangeant, il déstabilise mais il ne déroge en rien à la qualité habituelle du travail de l’Idiomatic Théâtre et du talent de toute l’équipe de création.


Zoé

Texte & Mise en scène : Julie Timmerman

Avec : Anne Cressent, Mathieu Desfemmes, Alice Le Strat ,Jean-Baptiste Verquin
et et les voix de Nina Laurent et Alain Françonoff


Durée : 1 h 30

  • Scénographie James Brandily assisté de Laure Catalan et Lisa Notarangelo
  • Lumières Philippe Sazerat
  • Costumes Dominique Rocher

  • Création sonore Xavier Jacquot assisté de Paul Guionie

Théâtre de Belleville– 75 011 Paris


Du vendredi 5 janvier au jeudi 29 février 2024 – Mercredi , Jeudi , vendredi et samedi à 21h15

TOURNÉE

  • 2 mars – ATP de l’Aude (11)
6 mars
  • Espace culturel Boris Vian, Les Ulis (91)
10 et 11 mars
  • Centre culturel Marcel Baschet – St-Michel-sur-Orge (91)
  • 15 mars- Théâtre des 2 Rives – Charenton-le-Pont (94)

  • 26 mars – ATP de Nîmes (30)

  • 28 mars- ATP d’Uzès (30)

  • 11 avril- ATP de Dax (40)
  • 
16 avril – ATP d’Avignon (40)

  • 3 mai- ATP de Roanne (42)

  • 25 mai -ATP de Villefranche-de-Rouergue (12)
  • 28 mai- Espace Jean Legendre – Compiègne (60)
  • 31 mai- ATP de Lunel (34)
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