ZOOM sur… Catherine Zambon et Stéphanie Chevara

L’interview

Catherine Zambon, autrice,
Stéphanie Chevara, metteure en scène.

Projet d’aéroport, usines à vaches, enfouissements de déchets hautement radioactifs…Catherine Zambon s’est largement engagée personnellement depuis plus de 30 ans autour de ces sujets.
C’est aussi une autrice engagée, et sur le sujet, elle écrit en 2017 la pièce Nous étions debout et nous ne le savions pas que Stéphanie Chevara a mis en scène au Plateau 31 de Gentilly. Elle se font écho et nous les avons rencontrées…

Question : “Nous étions débout et nous ne le savions pas”, un titre étonnant pour cette pièce qui parle de ces résistances autour des ZAD ou autour du projet de l’aéroport à Notre Dame des Landes. Pour beaucoup c’est de la résistance, en tant qu’autrice quelle est votre position et de quelle façon est née cette pièce ?

Catherine Zambon : J’ai été moi-même- et le suis encore- fortement engagée sur ces questions. Par exemple sur le projet de la ferme des Mille Vaches dans le Nord, j’ai occupé durant trois jours et trois nuits le site et j’ai fait ainsi l’expérience de l’affrontement physique avec les forces de l’ordre. Il y avait beaucoup de gens engagés et je me suis demandé : mais qui sont ces gens qui veulent changer le monde ? Au-delà de l’image de l’activiste, rien ne faisait plus théâtre que l’action de ces gens-là. Pour moi le théâtre est un lieu de parole et d’échange comme l’agora où se réunissent aussi ces personnes pour défendre leurs idées.

Q.: Stéphanie Chévara, vous êtes la metteure en scène de cette pièce de Catherine Zambon, qu’est-ce qui vous a incité à la monter et de quelle façon avez-vous travaillé ?

Stéphanie Chévara : C’est aussi un chemin personnel. Depuis quelques années, je me sens rattrapée par les questions de l’écologie. Je m’y intéressé très jeune et à 15 ans, c’est pour ces raisons que je suis devenue végétarienne. Mes enfants, depuis leur adolescence, s’impliquent pour le climat. Je me suis documentée car j’avais envie de mettre en scène une pièce contemporaine sur ces questions et j’ai senti un décalage dans le monde du théâtre qui semblait peu préoccupé par ces questions. Je suis tombée sur le texte de Catherine. Cela a été une vraie découverte car cette pièce était issue d’une parole vraie et offrait de véritables possibilités de mise en scène : le texte comporte un travail sur le choeur, sur le théâtre dans le théâtre, il comporte aussi de la poésie, de l’humour et raconte le parcours de véritables personnages au-delà des questions sociales ou politiques.

Q.: Catherine Zambon, vous parlez dans votre pièce de chagrin concernant les situations plutôt que d’envisager les vides à combler. Qu’entendez-vous par là ? ce malaise ?

C.Z. : L’état du monde actuel est très violent et quand on le regarde, on est vraiment dans le chagrin. Quand on voit les paysages rasés, les bêtes maltraitées et d’autres choses, avant la colère, il y a le chagrin. On renonce ou on y va ? Telle a été ma question. Je me suis dit , bon j’y vais parce que je souffre trop et c’est devenu le fil rouge de mon texte en créant les personnages.

S.C. : C’est vrai, pour moi aussi, le chagrin est là quand il s’agit de ces situations. Je l’ai réalisé à un moment, en voyant mon fils pleurer alors qu’il avait 15 ans et qu’il a constaté les méfaits contre le climat. En fait ses larmes existaient car il prenait de plein fouet ce qui ne va pas dans le monde. Et c’est ce que j’ai retrouvé en montant la pièce de Catherine. Mon travail s’est construit réellement autour de cette question : comment je fais pour rendre compte de ce chagrin ?

C.Z. : Je ne pense pas que le théâtre puisse apporter des réponses totales, mais il peut semer de cailloux pour rendre compte de ce qu’il se passe.
Mon idée est de créer de la vigilance : j’insiste sur certains points pour donner des pistes disant par exemple que je suis artiste, je parle de la manipulation en tant que mentaliste…Je viens donner un point de vue, sans donner de solutions. Chacun est libre de ses croyances.

Q. : De quelle façon, Stéphanie Chévara, avez vous dirigé les cinq acteurs et actrices – trois hommes et deux femmes- présents sur le plateau ?

S.C. : Une pièce de théâtre, c’est toujours une rencontre acteurs/personnages. Il est important aussi de monter des textes d’auteurs contemporains sur des sujets d’actualité. Les comédiens avec qui je travaille appartiennent à ma compagnie et je les connais bien. Le texte de Catherine est très poétique et très écrit et je leur ai proposé de “mâcher” le texte pour le dire naturellement en lui gardant toute sa force. Dans ce qui est raconté, l’urgence est partout, les personnages sont confrontés à des situations difficiles et pour moi le théâtre doit prendre cette place en prise directe avec ce qu’il se passe.

Q. : Cette question s’adresse à toutes les deux : Si on revient sur la question du chagrin, vous affirmez Catherine Zambon qu’il a été lié en grande partie à la peur du lendemain, mais que cette prise de conscience a aidé aussi à ouvrir des possibles. Qu’en est-il aujourd’hui ?

C.Z. : Ce qui est compliqué aujourd’hui, c’est la criminalisation de certaines formes de résistances. Il y a beaucoup de peurs dans les manifestations en raison des violences policières. On parle de bandes organisées quand il y a des manifestations, on sépare les amis…Il y a 20 ans, c’était possible, aujourd’hui cette criminalisation peut conduire à la mort de certains participants. Peu de textes parlent de ça et cela gêne le pouvoir. Cette pièce est difficile à monter et je trouve courageux que des metteurs en scène la montent.

S.C. : Faire du théâtre avec un texte comme celui-ci est tout à fait pertinent, car au théâtre, le temps s’arrête et cette pièce permet le partage des thèmes de l’engagement, de l’écologie, des changements du monde… Le théâtre permet ce pas de côté par une prise de parole qui fait résonner ces choses y compris dans l’inconscient des gens.

Propos recueillis par Dany Toubiana

Découvrir Catherine Zambon sur son site : www.catherinezambon.com

Spectacle vu au Plateau 31– Gentilly


« NOUS ÉTIONS DEBOUT ET NOUS NE LE SAVIONS PAS » / Pièce de Catherine Zambon (Ed. La Fontaine)
« Un jour, on se lève. On a 20 ans. On en a 50 ou 70 peu importe. On décide ce jour-là d’aller en rejoindre d’autres. Ceux qui s’assemblent. On devient l’un des leurs. Une heure. Ou 30 ans. Cela fera de soi un sympathisant. Voire un opposant. Certains diront : un résistant.

Projet d’aéroport, usines à vaches ou à porcs, enfouissements de déchets hautement radioactifs…

Ce texte rend hommage aux femmes et hommes qui s’engagent dans ces combats. » 


Nous etions debout - affiche
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