Théâtre - : T"Lisbeth's" de Fabrice Melquiot Conception &Adaptation : Valentin Rossier

Lisbeth’s

Texte : Fabrice Melquiot

Conception et Adaptation : Valentin Rossier

Les pièces de Fabrice Melquiot sont toujours marquées par ces rythmes qui se répètent, se croisent et se perdent. “Lisbeth’s” n’échappe pas à ces règles. Sur scène un homme, une femme, deux micros et une rencontre…Un moment de théâtre pur, à la fois sensuel, poétique et émouvant…

Tours. Coup de foudre à la terrasse d’un café

Un homme, une femme, tous les deux dans la quarantaine…Un homme, une femme seuls et qui se rencontrent…Lui, c’est Pietr, il vend des encyclopédies, elle c’est Lisbeth, elle vend des bijoux après avoir quitté son patron de mari. Jour off à Tours pour Pietr. Lisbeth aurait des “trucs” à faire à la maison, mais elle a préféré s’attabler à la terrasse d’un café… Ils se regardent, se parlent au hasard peut être de la pensée du moment…Lui aime Jules Michelet, “même sous la pluie”, elle, passe d’une idée à l’autre comme si sa mémoire constituait les souvenirs au fil des mots qui viennent…C’est le coup de foudre entre deux inconnus qui déploient sans se connaître une histoire où chaque évènement ressemble à un accident du hasard. Les deux personnages se racontent au fil de passés imprévisibles et drôles. Lisbeth semble construire ses souvenirs entre fantasmes et réalité, au fil d’une mémoire hésitante qui se contredit et parfois se dérobe. Surgit alors le désir fulgurant, la rencontre des corps, l’étreinte passionnée, mais aussi la mouvance de territoires où la jeune femme semble errer, conduite par une identité qui s’échappe. Cette femme, souvent très drôle, à l’identité louvoyante se révèle différente à chaque rencontre… Un soir, sur le quai de la gare de La Rochelle, Pietr a rendez-vous avec Lisbeth, mais il ne la reconnaît pas. Ses baisers sont pourtant les mêmes…Son rire, aussi… Mais…

L’oratorio d’un discours amoureux

Porté par les images qui surgissent de la narration et du rythme des mots , “Lisbeth’s “ est une fable construite sur le “système narratif” habituel des pièces de Fabrice Melquiot,“un système absolument ouvert, libre, qui permet aux deux personnages d’être présents en plusieurs lieux et plusieurs temps à la fois” comme le souligne dans sa note d’intention Valentin Rossier qui a adapté la pièce. Ce qui donne encore plus de force au texte c’est le jeu sans démonstration de Marie Druc et Valentin Rossier qui en souligne les moindres nuances. “Accrochés” à leur micro, leur parole construit le café, les espaces urbains, la présence des autres, les nuances du désir amoureux et la distance que souhaite Lisbeth dans leur relation. Les mots racontent la rencontre des corps, la sensualité et entourent les silences ou les non-dits.
De bribes de phrases en ellipses, de flash-backs en récits au présent, se construisent la personnalité de Lisbeth et de Pietr, mais aussi la présence de l’enfant muet que Lisbeth présente à Pietr, puis qu’elle prétend n’avoir jamais eu. Les voix murmurent, ou sont amplifiés par le micro affirmant la sensualité et l’érotisme de la rencontre amoureuse. Porté par le flux des mots qui, parfois introduit le rythme d’une parole proche du slam, Pietr ancré dans “la vraie vie”, devient le narrateur de son passé ou du présent immédiat, alors que Lisbeth semble régner sur l’entre-deux du rêve et de la poésie. S’apprivoiser, se rencontrer et surtout s’aimer à la folie. Pourtant, un soir, sur le quai de la gare de La Rochelle, Pietr ne va plus reconnaître Lisbeth…Le quotidien les a séparés. Ils se sont définitivement perdus de vue.

Une démarche artistique tout en finesse

Le choix artistique de la mise en scène et du jeu théâtral s’accroche à une technique impeccable. Dans un jeu d’une précision remarquable, chaque mot devient vivant, audible et porteur d’un sens qui laisse une place aux non-dits, infléchissant un tempo aux émotions et aux sentiments. La musique et les sons de David Scrufari , la lumière de Jonas Bühler accentuent le rythme et la sensualité des voix sur le plateau et donnent une profondeur au jeu volontairement statique des comédiens. Pietr dans l’amour éperdu qu’il porte à Lisbeth et celle-ci dans les failles de sa personnalité parfois versatile nous perdent et nous ouvrent les portes de leurs rêves. Bravo à Valentin Rossier pour l’adaptation délicate de ce très beau texte de Melquiot. Bravo aussi à lui et à Marie Druc pour leur interprétation tout en finesse. La sensualité et Les rêves de Pietr et Lisbeth nous ouvrent les portes de nos propres errances, celles, que souvent, on préfère ignorer.


Lisbeth’s

Texte de Fabrice Melquiot
Conception et adaptation : Valentin Rossier

  • Dramaturgie : Hinde Kaddour
  • Création lumière : Jonas Bühler
  • Création musique et sons : David Scrufari

Durée estimée : 1 h 20


Théâtre Manufacture des Abbesses – 75018 Paris

Du 20 mars au 11 mai 2024 – Mercredi, jeudi, vendredi, samedi à 19h

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