Théâtre - "L'échange": Texte : Paul Claudel - Mise en scène : Didier Long

L’échange

Texte : Paul Claudel

Mise en scène : Didier Long

Deux versions pour la pièce  “L’échange” écrite par Paul Claudel  en 1894 et modifiée plus de cinquante ans après quand Jean-Louis Barrault la met en scène en 1951. Après d’illustres metteurs en scène comme Antoine Vitez, Jean-Pierre Vincent ou Christian Schiaretti, Didier Long relève le défi et la monte au Théâtre de Poche Montparnasse dans sa seconde version.  
Théâtre - "L'échange": Texte : Paul Claudel - Mise en scène : Didier Long
Photo Pascal Gély

“L’échange”, un vaudeville tragique

Il a à peine 20 ans, mais Louis est déjà marié à Marthe, une jeune française un peu plus âgée que lui . Jeune métis indien d’Amérique, il a rencontré Marthe en France, dans la campagne où elle vivait sans jamais avoir quitté son village. Tous les deux vivent maintenant sur la côte Est des États-Unis et font office de gardiens dans la propriété de Thomas Pollock, un riche homme d’affaires marié avec Lechy, une comédienne aux moeurs assez libres. Un jour, Pollock, pour qui l’or est la seule valeur, propose à Louis un échange étrange : lui acheter, contre une liasse de dollars, son épouse Marthe qu’il convoite. Ce marché provocateur transforme la relation des quatre personnages et joue sur le rapport pervers des “forces” en présence. Épris de liberté, Louis rêve de vastes horizons sans donner une forme concrète à ses rêves…Marthe lui apprend qu’elle est enceinte et il se sent de plus en plus prisonnier. Il décide de partir et d’abandonner sa femme qui tente de le retenir. Mais Louis est aussi l’amant de Lechy. Celle-ci refuse de le laisser partir et finit par le tuer. Marthe a pressenti ce malheur qui se concrétise lorsque Pollock ramène le corps sans vie de Louis…

Le jeu littéraire d’un écrivain

Parlant de “L’échange” dans une lettre à l’actrice Marguerite Moreno, Paul Claudel écrit:
“ Je me suis peint sous les traits d’un jeune gaillard qui vend sa femme pour retrouver sa liberté. J’ai fait du désir perfide et multiforme de la liberté une actrice américaine, en lui opposant l’épouse légitime en qui j’ai voulu incarner “la passion de servir”. En résumé, c’est moi-même qui suis tous les personnages, l’actrice, l’épouse délaissée, le jeune sauvage et le négociant calculateur”.
La pièce de Claudel revisite les règles des trois unités du théâtre classique : unité de lieu, d’action et de temps. Dans une langue poétique et imagée, le lyrisme de l’auteur évite une “tranche de vie réaliste” et fonde son écriture sur une certaine poésie du texte. Si La Jeune Fille Violaine, une autre de ses pièces, a les allures d’un conte ou d’un mélodrame, L’Echange a l’apparence d’un vaudeville tragique qui se déroule à huis clos et qui tourne mal : chassé-croisé amoureux,, jalousie, meurtre…La pièce évoque aussi l’ancien monde, représenté à la fois par Marthe, la paysanne française, et Louis, dernier survivant d’une race indienne en voie d’extinction. Face à eux, le Nouveau monde, incarné par Thomas Pollock et sa femme Lechy, occupe toute la place et représente un monde plus égoïste et plus manipulateur .

De la mise en scène et du jeu des acteurs

Didier Long, les quatre acteurs – Pauline Belle, Mathilde Bisson, François Deblock et Walleran Denormandie – et ceux qui ont assuré les aspects techniques du spectacle – Nicolas Sire (décor), Denis Koransky (lumières) et François Peyrony (Musique et sons) ont mis en scène les grands espaces américains dans un théâtre de poche qui porte bien son nom. Le décor de Nicolas Sire très évocateur nous y transporte cependant.
Les quatre personnages de ce drame qui ne dit pas son nom sont reliés par des points contradictoires qui représentent pour chacun un idéal. Des situations d’exacerbation finissent par enfermer les quatre personnages dans leurs contradictions. La liberté à tout prix pour Louis qui se sent prisonnier dans son mariage tout en l’ayant désiré, la religion et les principes pour Marthe sa femme, le théâtre et une volonté de domination pour Lechy, l’actrice et épouse de Thomas Pollock qui, quant à lui, a fait de l’argent une religion qui donne du sens à sa vie.
La mise en scène de Didier Long pourtant soignée hésite, semble-t-il, à opter pour certains choix dans sa direction des acteurs, les conduisant à un jeu parfois trop plat. Louis est métis indien, Marthe est une française d’origine modeste, tous deux face à un couple américain manipulateur et à la condition sociale plus élevée. Sans démonstration, certains aspects n’offrent-ils pas d’autres pistes à explorer dans le jeu des acteurs ? Par exemple, le courage assumé par Louis et Marthe aux origines différentes dans un contexte américain très fermé et dominé par les blancs ? Louis est un enjeu amoureux pour deux femmes blanches… En questionnant la dramaturgie du texte d’une autre façon, le jeu des acteurs aurait pu crée d’autres directions à la réflexion…Cependant, choisir de monter une pièce de Claudel représente toujours un défi que tous les metteurs en scène ne peuvent relever. Retrouver ce théâtre aux textes exigeants reste encore et toujours une découverte sans cesse renouvelée.


L’échange

Texte : Paul Claudel

Mise en scène : Didier Long

Avec : Pauline Belle, Mathilde Bisson, François Deblock, Wallerand Denormandie

  • Décor : Nicolas Sire
  • Lumières : Denis Koransky
  • Musique et Sons : François Peyrony

Durée : 1 h 20


Théâtre de poche Montparnasse 75006 Paris

Du mardi au samedi 21h, dimanche 17h

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