An Irish Story / Reprise
Texte, Mise en scène et Interprétation : Kelly Rivière
“Si Gainsbarre était plus féroce et méchant que Gainsbourg, je dirais que le personnage de Kelly Ruisseau est la part audacieuse de Kelly Rivière” souligne avec humour l’autrice-interprète Kelly Rivière de “An Irish Story”. Passant du nom de Kelly Rivière, l’autrice, à celui de Kelly Ruisseau, le personnage, la pièce raconte en trois langues – français, anglais et irlandais - la quête d'une petite-fille qui part à la recherche d'un grand-père qui disparaît définitivement des radars familiaux dans les années 60.
Une histoire d’exil et de pauvreté
« Lorsqu’une personne disparaît, elle n’est pas morte, elle est « comme » morte. Ce « comme » fait toute la différence, car il nourrit l’espoir. L’espoir que cette personne soit encore vivante”. La démarche d’écriture de Kelly Rivière part de ce « comme » lorsqu’elle commence à s’interroger sur un grand-père disparu dont la nombreuse descendance signale pourtant qu’il a bien existé.
En 1949, à l’âge de dix-neuf ans, Peter O’Farrel quitte Knockcarron, minuscule village de l’Irlande du Sud, pour venir à Londres en quête de travail. Peter ne sait pas encore qu’il ne reviendra jamais en Irlande. Quelques mois auparavant, il a rencontré Margaret. Ils s’aiment. Lorsqu’il quitte son île, il ne sait pas encore qu’elle porte leur premier enfant. Ils se marient à Londres. Il ne sait pas non plus qu’il aura cinq autres enfants avec Margaret, nés en l’espace de dix ans. À vingt-six ans, Margaret a déjà six enfants. Sans argent, sans logement fixe, Irlandais dans l’Angleterre des années 1950-60, leur vie n’est pas aisée. Peter noie son chagrin dans l’alcool. Il disparaît régulièrement sans donner de nouvelles. Nul ne sait ce qu’il fait lors de ces absences prolongées. Un jour, il disparaît définitivement. Plus personne ne parle de lui dans la famille et Margaret n’a plus jamais voulu en parler…
Une enquête de plateau…
C’est à une véritable « enquête de plateau » que nous convie Kelly Rivière. Dans un décor composé de photos suspendues sur des fils, elle nous invite à remonter le temps : de l’espace des années 1930 en Irlande à la France des années 2000 . Pour Kelly Ruisseau, le « nom de scène » qui permet à l’auteure toutes les digressions, l’histoire commence à 16 ans. Parler de ce grand-père disparu revient, dans un premier temps, pour Kelly Ruisseau, à attirer l’attention des garçons qu’elle rencontre. L’histoire à trous se transforme en interrogation douloureuse alors qu’elle évoque la pauvreté de la famille condamnée à quitter l’île natale pour une Angleterre qui affiche à cette époque, dans les pubs » No black, no Irish, no dog« . Pourtant, le récit de Kelly Rivière ne tombe jamais dans le dolorisme ou la plainte. Avec un humour ravageur et un sens acéré de l’observation, elle raconte son propre itinéraire et campe chaque personnage de la famille : de la mère autoritaire à la grand-mère un peu sénile par commodité, en passant par le frère bohème, son compagnon et son propre fils.
…et une précision d’anthropologue
Avec une précision de policière ou d’anthropologue, Kelly Rivière décrit chaque lieu et met en scène chaque personnage rencontré sur le chemin. Chaque récit s’emboîte parfaitement, chaque espace se définit par un accent ou une langue qui met en place les situations. Passant du français à l’anglais et à l’irlandais avec une rapidité incroyable, dans un français détourné qui assume les fautes de ses interlocuteurs anglais, elle virevolte dans l’espace avec une énergie qui ne se dément jamais.
La quête semble un échec puisque personne ne peut dire ce que Peter O’Farrel est devenu. La jeune fille reçoit en héritage le peigne édenté de Peter remis par un membre de la famille. S’arrêter de le chercher, dit Kelly Ruisseau, le personnage, revient à le faire disparaître à jamais. Mais pour l’auteure et comédienne Kelly Rivière, ce grand-père reste un héritage en forme de questionnement. Où s’en va la vie quand on ne retrouve aucune trace des gens et que l’empreinte sur leur famille reste indéniable ? La réponse relève désormais de la fiction théâtrale. Peter et Margaret se sont aimés et ont tout de même pris du bon temps. Plus d’une heure durant, les morceaux ont été recollés, le silence et les tabous ont pris un sens que l’on peut encore continuer à creuser.
Reprise d’un spectacle créé en 2019, bourré d’humour et de tendresse qui revient au Théâtre de Belleville à Paris après avoir tourné dans toute la France.
An Irish Story/ Une histoire irlandaise
Texte , Mise en Scène et Interprétation : Kelly Rivière
- Collaboration artistique : Jalie Barcilon, David Jungman, Suzanne Marrot, Sarah Siré
- Scénographie : Grégoire Faucheux et Anne Vaglio
- Costumes : Elizabeth Cerqueira
- Collaboration artistique à la lumière : Anne Vaglio
Durée : 1 h 25
Théâtre de Belleville – 75011 Paris
Du dimanche 3 décembre 2023 au mardi 30 janvier 2024
Décembre : Lun. 21h15, Ven. 19h, Sam. 21h15, Dim. 20h
Janvier : Lun. 21h15, Mar. 19h, Dim. 17h30
Relâches les 24, 25, 31 décembre & 1er janvier