"L'île des Esclaves" de Marivaux
Mise en scène  : Stephen Szekely

L’ Île des Esclaves

Texte : Marivaux

Mise en Scène : Stephen Szekely

Un seul acte et 11 scènes. “LÎle des Esclaves”, cette comédie écrite en prose par Marivaux et jouée pour la première fois en mars 1725, n’a pas pris une ride. Au Lucernaire, à Paris, la pièce mise en scène par Stephen Szekely et jouée jusqu’au début Juin par cinq comédiens totalement inspirés est vraiment à ne pas manquer… 

Un jeu en miroir : Maîtres et Esclaves

La tempête est à son maximum. Le vent hurle et la mer déchaînée finira par avoir raison du bateau…Deux couples débarquent sur cette île de “nulle part”: Deux maîtres et deux serviteurs. Arlequin est le serviteur d’Iphicrate. Cléantis est la servante d’Euphrosine. Ils ne le savent pas encore, mais ils viennent de débarquer sur l’Île des Esclaves où règne Trivelin, chef de l’île et gouverneur de cette nouvelle république. Esclave fugitif, devenu le maître des lieux, il est le garant des lois. Il a la fonction de ramener les maîtres à la raison, de les guérir de leur autorité et des mauvais traitements qu’ils peuvent infliger à leurs serviteurs. Il s’agit ici de changer les statuts sociaux en inversant les rôles. Les serviteurs Arlequin et Cléanthis deviennent les maîtres d’Iphicrate et Euphrosine, leurs anciens seigneurs et maîtres afin de les guérir de leurs travers…de maîtres, même si les imiter parfois représente un plaisir réel !

La bouffonnerie d’une pièce philosophique

Dans les salons, à l’époque de Marivaux, les philosophes des Lumières réfléchissent aux fondements de la société. Porté par ces idées, Marivaux se dit, 60 ans avant la Révolution Française, qu’il serait temps d’ouvrir les cœurs et la raison, d’interroger sa conscience afin de rétablir l’harmonie entre les êtres. “L’île des esclaves” en devient “la démonstration”

Dès la première scène, nous voilà plongés dans une tempête qui ne peut que bousculer les mondes. La fumée envahit le plateau et dans cette brume épaisse, le bruit du vent, de la mer gonflée et les cris des personnes sur le bateau précèdent et annoncent le bouleversement du monde. Lumière sur le plateau à la scène suivante, la langue savoureuse de Marivaux !… Dans une scénographie tout en finesse et pleine de surprise, nous voilà transportés sur une île qui évoque le rêve, mais où les esclaves ne sont plus les mêmes. La rééducation peut commencer dans ce lieu où tout se recrée. Trois ans seront utiles à l’aboutissement de ce processus. Sous la houlette de Trivelin, justice, égalité, respect seront les bases de la transformation. Dans ce décor où s’inscrit leur nouveau rêve, Cléanthis, prend son rôle très au sérieux, Arlequin quant à lui, ne peut s’empêcher de parler avec son coeur. Pas de vengeance, cependant devient la loi des insulaires.

Une mise en scène basée sur le mouvement

Dès la première scène, alors que le plateau est uniquement animé par les sons de la tempête et par les répliques qui fusent dans l’ombre, la mise en scène de Stephen Szekely, s’appuie sur le jeu des comédiens. Un jeu physique, précis et inventif qui ne se relâche jamais. Le jeu des maîtres plus discrets et très abattus par la situation, souligne l’exagération, la confusion des serviteurs et entraînent le comique. Trivelin est une sorte de marionnettiste qui organise ces jeux de rôles. Il devient ainsi celui qui impose des lois strictes, celui qui tente d’établir un ordre différent qui a pour base le rétablissement de l’harmonie entre les êtres. Le jeu bouffon des deux serviteurs, soutenu par un Trivelin, joueur de banjo parfois manipulateur, impulse des actions basées sur la commedia dell’ arte. Le jeu “tragique” des maîtres écrasés par la soumission dans leur situation nouvelle, crée l’opposition et un contrepoint comique aux situations.
Mission accomplie dans cette mise en scène au cordeau qui assure la truculence d’une pièce portée par le plaisir du jeu que prennent les comédiens à en assurer toutes les extravagances bouffonnes. Pas de morale chez Marivaux, juste le plaisir d’un comique qui va de pair avec la brutalité des sentiments et qui soutient les comédiens portés par leur bonheur à jouer . Et pour les spectateurs quel plaisir !

"L'île des Esclaves" de Marivaux
Mise en scène  : Stephen Szekely
L’île des Esclaves

L’île des Esclaves

Texte : Marivaux
Mise en Scène : Stephen Szekely

Avec : Laurent Cazanave ou Michaël Pothlichet ( en alternance) Barthélemy Guillemard , Lucas Lecointe, Marie Lonjaret , Lyse Moyroud (Cléanthis)

  • Scénographie : Juliette Chapuis
  • Création musicale et sonore: Michaël Pothlichet
  • Chorégraphie : Sophie Meary

  • Lumières : Jonathan Oléon
  • Costumes: Edlc

Durée estimée : 1 h 30


Théâtre Le Lucernaire 75 006 Paris

Du 3 avril au 2 juin 2024 – Du mardi au samedi à 20h et dimanche à 17h

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