Invisibili / Théâtre-Danse
Conception et Mise en scène : Aurélien Bory
Après avoir travaillé dans le domaine de l’acoustique architecturale, depuis l’an 2000, Aurélien Bory se consacre aux arts de la scène à la fois comme metteur en scène et scénographe. “Invisibili”, sa dernière création unit le théâtre, la danse et se construit autour d’une fresque murale du XV° siècle, “Le triomphe de la mort”. Peint par un peintre inconnu pour le premier hospice de la ville italienne de Palerme, ici la fresque s’anime et nous interroge…
De la nuit des temps…
Plateau nu en attente de théâtre…Dans l’ombre, le saxophoniste ouvre la porte de l’action. Un panneau se dresse. Sombre tout d’abord, il se révèle peu à peu et nous met face à une oeuvre du XV° siècle, représentative de la peinture gothique, “Le triomphe de la mort”, tableau peint par un artiste inconnu. Sur le plateau toujours nu, la peinture s’impose comme une grande miniature. Dans un jardin luxueux entouré de haies, au centre du tableau, la Mort, montant un cheval aux côtes apparentes, à la tête émaciée et semblant sourire, décoche des flèches avec un arc. Entourant ces figures centrales, des gens de tous les milieux sociaux sont représentés et la Mort n’en épargne aucun.
Tout à coup, telle une ombre, un homme émerge de derrière la toile, des danseuses le suivent…L’invisible se met alors en mouvement, les vivants sur la scène donnent vie aux personnages vivants ou morts peints sur le tableau.
Empereurs, papes évêques, poètes, chevaliers ou jeunes filles, sereins ou montrant des grimaces de douleurs, démembrés au sol, à genoux ou tués par des flèches, sur la partie inférieure du tableau ils sont tous morts. Sur la gauche des pauvres encore vivants qui souhaitent ou attendent la mort. À l’opposé, des nobles, des femmes richement parées, des chevaliers ne s’intéressent pas aux évènements et poursuivent leurs activités…
…à la scène d’aujourd’hui
À partir de cette “base” scénographique, Aurélien Bory développe à son habitude un théâtre physique où les corps des acteurs s’insèrent et mettent en mouvement une peinture vivante dans sa composition mais matériellement “inerte” dans sa structure.
Les comédiens-danseurs se perdent dans le tableau. Ils se confondent avec les personnages sur le tableau, les “font descendre” et leur donnent vie sur le plateau. La mise en scène et la direction d’acteurs d’Aurélien Bory, toujours basée sur le mouvement précis du jeu physique mélange les espaces, les personnages peints et les acteurs en mouvement. Pourtant, dans cette tentative, la Mort sur son cheval résiste et triomphe inexorablement. Elle emporte chacun sans exception sur le plateau et sur le tableau quelles que soient sa jeunesse, sa vitalité ou sa richesse. Les corps et les espaces s’insèrent dans un théâtre physique et protéïforme qui mélange la musique, la danse et parfois la parole. Cette danse menée par la Mort sur son cheval se teinte aussi de poésie, d’humour et de consolation.
La partition scénique
“J’ai imaginé, souligne Aurélien Bory, pour “Invisibili” une toile de fond reproduisant Le Triomphe de la Mort à l’échelle un : six mètres par six, des dimensions de théâtre. La fresque a été peinte dans le contexte de la peste noire qui a meurtri Palerme pendant quatre siècles. Pour “Invisibili”, je pose la fresque dans le contexte actuel, parmi lesquels la mort des migrants, le cancer, les catastrophes naturelles”.
La seconde partie du spectacle scénographie effectivement le contexte actuel en passant de la couleur au noir et blanc, permettant à des nuages de fumée de nous faire traverser les siècles. Le visage de la mort sur son cheval a disparu physiquement, mais continue à hanter ceux qui tentent de lui échapper. Invisible, elle menace des migrants dans un bateau qui luttent contre les éléments…
Cependant cette seconde partie qui inscrit “le triomphe de la mort” dans un contexte actuel se perd dans une forme parfois démonstrative et un peu longue. Elle ralentit le jeu des acteurs. qui restent pourtant totalement engagés et inspirés. Elle oblitère aussi l’humour sous-jacent et la symbolique du tableau où la mort s’impose physiquement en ayant l’air de s’amuser. Le tableau s’est transformé en une réalité filmée et terre à terre qui raconte la mort brutale et “anonyme” des guerres actuelles retransmises aux actualités. Le mouvement et la proximité des personnes sur le tableau du XV° siècle s’est transformé en une image plate et sans reliefs où les couleurs ont disparu.
Pourtant cette restriction ne doit pas nous empêcher de souligner à la fois l’audace des choix de la mise en scène, des trouvailles techniques et le jeu des acteurs sur le plateau. Quatre magnifiques danseuses que le metteur en scène a voulu voir “comme les filles de Pina Bausch” : Valeria Zampardi, Blanca Lo Verde, Maria Stella Pitaresi, Arabella Scalisi, Chris Obehi, chanteur nigérian, qui vivant à Palerme a appris à chanter en sicilien et enfin, discret mais omniprésent, Gianni Gebbia, saxophoniste qui, dans sa carrière internationale a travaillé avec les plus grands.
Invisibili
Conception, scénographie, mise en scène :
Aurélien Bory
Avec: Blanca Lo Verde, Maria Stella Pitarresi, Arabella Scalisi, Valeria Zampardi, Chris Obehi, Gianni Gabbia
- Collaboration artistique, costumes: Manuela Agnesini
- Collaboration technique et artistique : Stéphane Chipeaux-Dardé
- Musique originale: Gianni Gebbia, Joan Cambon
- Création lumière: Arno Veyrat
- Décors, machinerie et accessoires : Pierre Dequivre, Stéphane Chipeaux-Dardé, Thomas Dupeyron, Mickaël Godbille
Morceaux de Arvö Part “Pari Intervallo” (transcription Olivier Seiwert), Léonard Cohen “Hallelujah”, J.S. Bach “Gigue, 2ème suite for Violoncelle”
Durée : 1 h 10
Théâtre de la Ville – Les Abesses- 75018 Paris
Du 5 au 20 janvier 2024
TOURNÉE
30 – 31 janvier 2024 – La Coursive – Scène nationale de La Rochelle
6 -10 février – Maison de la Danse – Lyon
14
15 février – Agora, Pôle national des arts du cirque – Boulazac
26 – 27 février – Le Parvis – Scène nationale Tarbes Pyrénées – Ibos
1 -14 avril – Teatro Astra – Turin
SAISON 2024-2025 en cours
Reprise début novembre 2024 – Théâtre de la Cité – CDN Toulouse-Occitanie