Théâtre - Un certain penchant pour la cruauté" - Texte: Muriel Gaudin Mise en scène : Pierre Notte

Un certain penchant pour la cruauté

Texte : Muriel Gaudin

Mise en Scène : Pierre Notte

La crise migratoire…Vaste sujet qui anime, divise ou émeut nombre de personnes…Elsa, touchée par un jeune réfugié en situation irrégulière, décide de le prendre en charge et de le faire vivre avec sa famille …Jeu de cache-cache aux intrigues mêlées …. Cinq comédiens, un musicien et un certain penchant pour la cruauté… Écrite par Muriel Gaudin et mise en scène par Pierre Notte, c’est le titre de cette pièce pleine de surprises et d’humour qui se joue en ce moment à Paris au Théâtre “La Reine Blanche”.  
Théâtre - Un certain penchant pour la cruauté" - Texte: Muriel Gaudin Mise en scène : Pierre Notte
Photo Philippe Delacroix

Ouvrir sa porte et apprendre à partager

Ouvrir sa porte et apprendre à partager devient la ligne de conduite d’Elsa lorsqu’elle décide d’accueillir Malik, un mineur réfugié du Mali en situation irrégulière. Un mari, une fille, une maison avec un joli jardin et abondance de biens et d’êtres ne nuisant pas, un amant très proche du foyer et accueilli comme l’autre père de Ninon. Même si Christophe, le mari et père “officiel” en prend parfois ombrage. Dans cette famille qui ronronne, Malik devient la pierre à l’édifice qui devrait embellir et apporter du renouveau dans les relations familiales qui ronronnent depuis belle lurette. Christophe, le mari, et surtout Ninon, leur fille, applaudissent l’initiative d’Elsa. L’aventure sera exaltante, le mélange des cultures fonctionnera à merveille. Mais voilà, tout ne roule pas. Accueillir un migrant est une merveille si chacun reste à sa place et n’imagine pas à la place du dit-migrant ce qui lui convient ou non… Le bonheur initial prend un coup dans l’aile et les faces cachées de nos bonnes consciences sont mises à l’envers …

Théâtre - Un certain penchant pour la cruauté" - Texte: Muriel Gaudin Mise en scène : Pierre Notte
Photo Philippe Delacroix

Un jeu de cache-cache aux intrigues mêlées

Si la crise migratoire émeut un public assez large, le projet de l’écriture de cette pièce est né, nous dit l’autrice Muriel Gaudin d’une expérience personnelle : l’accueil durant deux ans d’un jeune migrant dans sa propre famille. La situation est vite devenue, dit-elle, une source de questionnements et par suite d’une prise de conscience. Peut-on accueillir l’autre, l’accepter, sans contreparties ? Est-ce que je l’accepte pour qu’il me renvoie une image positive de moi-même ? Le mélange des cultures est-il un troc ? Lui donner des conseils pour s’intégrer et en échange recevoir de la gratitude, avoir un sentiment positif du Bien que je fais ? Rapport ou exercice de mon pouvoir, de mon savoir de façon autoritaire pour me déculpabiliser ?…Toutes ces questions sous-tendent, sans démonstration, la comédie écrite par Muriel Gaudin. Beaucoup de lucidité, d’auto-dérision et l’imagination pour des situations paradoxales qui s’attachant à chaque personnage, les remet en question, voire les ridiculise. 

L’ignorance du jeune migrant arrivant dans un pays étranger met en exergue celle des hôtes qui l’accueillent et qui se targuent de lui apprendre leur civilisation et les bons comportements à avoir dans ce “pays de rêve” qu’est le leur. Très vite l’altruisme se teinte de repli sur soi lorsque l’autre gêne parce qu’il ne comprend pas les usages. La générosité de départ se transforme en peur quand la fille unique de la maison s’intéresse de trop près à ce jeune homme étranger, dont on ignore les origines et le “parcours”. Notre pays est pour les migrants un refuge et il faut les aider, pense Elsa, d’une manière ou d’une autre. Pourtant, au bout d’un temps, c’est l’entre-soi qui resurgit, le soupçon qui refait surface dès que la sphère intime est touchée. “La mauvaise foi d’Elsa, dont elle n’a pas conscience, souligne l’autrice, est drôle parce qu’elle est indéfendable, elle doit batailler avec elle-même pour se justifier, faire coïncider ses préjugés avec la bobo écolo gaucho qu’elle voudrait être”. 

Théâtre - Un certain penchant pour la cruauté" - Texte: Muriel Gaudin Mise en scène : Pierre Notte
Photo Pierre notte

Le mouvement comme mise en scène

La langue précise et cisaillée du texte de Muriel Gaudin, une langue fantaisiste, ponctuée de débordements, est accompagnée par la mise en scène tout en mouvement de Pierre Notte. Le “vrai” de la maison d’Elsa et de Christophe est composée de bancs coffres, d’une desserte, une sorte de fauteuil en bois d’une couleur neutre. Ils sont déplacés sur toute la scène en fonction des situations, comme agités par l’évolution des personnages dont les convictions et les assurances vacillent. Peu à peu, chaque mouvement devient une danse qui accompagne une parole inquiète, des colères et des frustrations rentrées. “L’espace comme le jeu des comédiens se détachent du réel et du vrai, souligne Pierre Notte, parlant de sa mise en scène. Chacun son rythme, sa parole et sa danse…

Dans le fond de la scène, la présence du musicien, souligne la fragilité des personnages, constituant un contrepoint à l’action. Les sons, les musiques, les nappes sonores accompagnent les cinq comédiens, qui, dans un jeu précis se surprennent, se heurtent ou soulignent par leurs dialogues les cassures et les dissonances musicales. Ils changent de costume à vue et à chacun est attribuée une couleur de vêtement qui se rapproche de son tempérament. Découpes, contres, lumières d’ambiances… Comme l’écriture, les lumières “cisaillent” l’espace réel et parfois l’espace cérébral du cauchemar ou du souvenir.  Portée par cinq comédiens et un musicien qui s’écoutent et se parlent, dans un jeu plein d’imagination et de précision, la pièce nous fait rire, mais nous met aussi face à nos contradictions et nos gênes. Face à la différence de “l’autre”, nos idéaux apparaissent  contrefaits par nos suffisances et nos petitesses inconscientes. 

Théâtre - Un certain penchant pour la cruauté" - Texte: Muriel Gaudin Mise en scène : Pierre Notte
Photo Philippe Delacroix



Un certain penchant pour la cruauté

Texte : Muriel Gaudin

Mise en Scène : Pierre Notte

Avec le soutien de l’Adami et du Jeune Théâtre National 

Avec : Fleur Fitoussi ou Chloé Ploton, Muriel Gaudin, Benoit Giros, Antoine Kobi ou Clyde Yeguete , Emmanuel Lemire, Clément Walker-Viry 

  • Lumières : Antonio de Carvalho 
  • Scénographie : François Gauthier-Lafaye 
  • Costumes : Sarah Letterie
  • Musiques : Clément Walker-Viry 

Durée estimée : 1 h 20


Théâtre Reine Blanche – 75018 Paris

Du 22 septembre 2023 au 19 novembre 2023 Les mercredis et vendredis à 19h
Les dimanches à 16h 


19h –  27430 Andé 

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