Pôvre vieille démocrasseuse -D’après Marc Favreau

Pôvre vieille démocrasseuseD’après Marc Favreau

Texte et  Mise en scène : Michel Bruzat

“ Il parait qu’un jour la paix nous est arrivée sur la Terre, ça a pas dû faire beaucoup de bruit... on l’a pas vu venir.. peut-être on était distraits” . Par les temps qui courent, ce genre de réflexion très actuelle mérite toute notre attention si on espère trouver la sagesse, quoique… Vision décalée, jeu sur les mots, le voyage dans cette “Pôvre vieille démocrasseuse”, une pièce mise en scène par Michel Bruzat et interprétée par Marie Thomas, doit tout à Marc Favreau, humoriste et comédien québécois décédé en décembre 2005. Celui-ci avait créé le personnage lunaire de Sol, un clown clochard, un poète, un jouisseur de mots qui regardait  le monde en faisant des pas de côté. Un spectacle rare, plein d’humour, de poésie et à découvrir de toute urgence.  

Comment va le monde ?

Bonne question, ma foi surtout si “on a déjà été ce qu’on a toujours pensé être.” Sur une scène où poussent des coquelicots en papier, elle apparaît entre les plis d’un magnifique rideau orange aux couleurs chatoyantes. Elle, c’est la comédienne Marie Thomas. Une tête de clown au visage blanc, elle sourit et de sa voix douce, elle vient nous parler de notre santé, “ histoire de la rattraper, nous dit-elle, en écoutant les médecins qui courent déjà derrière la santé ”.  Chaque phrase commence comme une démonstration évidente. Peu à peu chaque mot dérape et ouvre le sens, nous conduisant dans des mondes inédits. Ici “le lotorino” s’occupe des joies respiratoires et c’est un spécifique qui reçoit comme un chien dans une jonquille”.

À la façon de l’humoriste franco-belge Raymond Devos, en créant le personnage de Sol, le clown clochard qui portait sur le monde un regard naïf et décalé, Marc Favreau nous conduit dans un univers d’une totale poésie naïve qui ouvre le sens des mots et nous permet de traverser des espaces où l’absurdité se pare de poésie.  Aller à l’hôpital est un risque qui peut nous conduire à être soigné par “mes gardes” ou par “mégarde” alors que “l’euthanasiste travaille en salle d’aberration”.

Pôvre vieille démocrasseuse -D’après Marc Favreau
© Jean Barak

La mise en scène de Michel Bruzat, colle au plus près du jeu de la comédienne. Marie Thomas reprend les mots de Favreau et nous entraîne à sa suite, dans les délires d’une imagination qui dégonfle les baudruches d’un théâtre conventionnel. Elle nous fait voyager dans un univers qui nous échappe et qui, pourtant, constitue notre monde. S’appuyant sur la tranquillité de la voix, la comédienne regarde les gens d’un oeil malicieux et explore la salle d’un regard lunaire. Elle pousse les mots les plus bizarres d’une façon tout à fait normale. Elle nous conduit à travers des situations de plus en plus abracadabrantes, jusqu’à l’origine de nos civilisations, dans “le paradoxe perdu… où un serpent à lunettes ne ménage pas sa monture”. À partir de là, tout peut arriver puisque “les épagneuls ont condescendu à conquérir le monde des “indigents” pour mieux les convertir”.

Pôvre vieille démocrasseuse -D’après Marc Favreau
© Jean Barak

Sur un ton décalé, Marie Thomas, avec une grande douceur, nous prend par la main et nous conduit dans ce texte drôle et surréaliste qui pose sur nos travers un regard critique et décalé. Les mots épousent la fluidité d’un jeu théâtral physique et inventif. S’appuyant sur un roseau flexible et fragile, un bateau de papier en ornant la pointe, la comédienne nous embarque à sa suite, pour une traversée sur une mer déchaînée. Laissant les mots s’installer dans les silences, surgissent des sens surprenants de mots habituels mais ré-inventés. Les mots de Sol, poète clochard, nous parlent de l’état de la planète, du poids des dérives sociales qui conduisent aux guerres. La refonte, le décalage du sens des mots et des sons nous mettent en relation avec la liberté intérieure que chacun porte en soi et que l’on oublie dans nos courses à la domination y compris linguistique.  

Sol était un comédien à part, Marie Thomas également. Elle s’empare de son texte avec une grande humilité, un grand respect et l’inventivité d’un “Arlequin au féminin”. Comme le funambule sur la fragilité de son fil, elle nous démontre que “prendre son pied, c’est le mettre devant l’autre”. De cette façon, on peut avancer en ayant toutes les chances de redécouvrir le monde et de proposer d’autres routes à notre “pôvre vieille démocrasseuse”.    

Pôvre vieille démocrasseuse

D’après  Marc Favreau 

Texte et mise en scène : Michel Bruzat
Avec : Marie Thomas 

  • Costumes : Dolores Alvez Bruzat 
  • Lumières : Franck Roncière 

Durée : 1 h 20

Du 30 Mars au 23 Avril 2022
du Mercredi au samedi à 19 h 15


Théâtre les Déchargeurs – 3 rue des Déchargeurs 75 001 Paris


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