Place de la République" Texte &Mise en scène : Clément Hervieu-Léger

Place de la République

Texte & Mise en scène : Clément Hervieu-Léger

Au centre de Paris, une des places les plus célèbres, celle de la République, une place également centrale pour les rencontres…Celle où nous donne rendez-vous Clément Hervieu-Léger et ses deux comédiens…Un joli spectacle qui laisse en nous une surprenante musique intérieure…  
Place de la République" Texte &Mise en scène : Clément Hervieu-Léger
Photo Juliette Parisot

Place de la République, le centre du monde 

Elle est assise sur un banc et il la photographie avec son polaroïd alors qu’elle attend quelqu’un…Elle est surprise et il lui propose d’attendre avec elle que l’image soit révélée…Il se met à raconter…Elle s’appelle Anne et elle commence à l’écouter…Sur la scène du Lucernaire, la scénographie est des plus simples : un banc et une lumière minimale. C’est du récit des deux personnages et des photos que montre le photographe à la jeune femme, les anciennes et celles prises aujourd’hui, que va s’animer le monde. Cinq minutes avant, ils ne se connaissaient pas…

Leurs échanges finissent par faire renaître Zoubeïda, une logeuse africaine, peut-être celle de Rimbaud après tout… Car lui aussi est parti en Ethiopie, dit-il, sur les traces du poète. Cela tombe bien, il connaît par coeur “Le bateau Ivre” et elle lui répond par “La bohème”. Elle essaie de raconter à son tour… et ils finissent ensemble par “agiter les bras, pour ne pas ressembler à un mort et avoir l’air vivant” . L’ailleurs africain de Rimbaud, sa poésie en français et en amaric les conduisent par les mots vers d’autres pays. Lui a voyagé en Éthiopie sur les traces du poète, mais ils auraient pu aussi bien se croiser à New-York ou à Pékin. Ce soir-là à 20 h, lorsque cette femme et cet homme se rencontrent, même vide, la Place de la République à Paris est bien devenue le centre du monde…

Place de la République" Texte &Mise en scène : Clément Hervieu-Léger
Photos Juliette Parisot

Le théâtre, un lieu de rencontre

Même si Clément Hervieu-Léger affirme avoir grandi aux côtés de Patrice Chéreau et avec la troupe de la Comédie Française dont il est devenu sociétaire depuis 2018, il tient aussi à sa liberté et  garde un pied en dehors de ce vénérable théâtre. En 2010, il fonde avec Daniel San Pedro – qui joue dans la pièce – la Compagnie des Petits Champs à Beaumontel, un village normand de 700 habitants qui imaginaient que “le théâtre n’était pas fait pour eux”. Cette pièce tout en finesse démontre bien le contraire. Dans un décor minimaliste et une mise en scène dépouillée, elle débute par le ton monocorde des deux acteurs. Au début, cela surprend, ennuie même, mais peu à peu, nous voilà pris par le rythme du texte. Les mots racontent, s’entrecroisent, la conversation laisse entrevoir les non-dits, la pudeur des sentiments et des émotions retenues. Les souvenirs se réinventent et voilà qu’apparaissent, sans ostentation, des souvenirs personnels ou ceux de disparus, les manques, les chagrins et les regrets, porteurs pourtant de vie et de fantasmes renouvelés. Les photos que lui prend avec son appareil démodé ou celles plus anciennes qu’il montre à la jeune femme, deviennent porteuses de vie et renouvellent l’approche des gens et des souvenirs. Le monde s’ouvre tout à coup. La simplicité du jeu plein de charme et de subtilité de Juliette Léger et  celui au bord de la nostalgie de Daniel San Pedro ravivent notre mémoire de spectateur et font renaître, en creux, nos propres souvenirs, créant en nous une forme intérieure de spectacle fantasmé. La pièce inscrit la solitude, le temps qui passe, les amours et les amitiés enfuis, la nostalgie et l’absence des fantômes toujours présents. Ceux justement, dont les numéros et les adresses continuent de hanter les agendas de nos téléphones portables. Ils restent vivants dans nos albums où on se regarde grandir, mais aussi à travers les histoires d’eux qu’on continue à raconter. 

De souvenirs en émotions, la pièce portée par le seul texte, et surtout ce duo de comédiens au jeu sincère, plein d’humanité et de complicité ouvre le texte vers l’ailleurs. La pièce fait remonter des souvenirs plus personnels qui ramènent hier dans notre réalité d’aujourd’hui.  Le texte s’arrête brutalement. Anne et le photographe se saluent et se séparent. Portés par une théâtralité qui a voyagé au coeur des sentiments, la nostalgie s’apaise et laisse, au fond de nous, une forme de sérénité. En dépit d’une petite musique qui chantonne que le temps passe bel et bien et que l’on n’y peut rien… Un joli spectacle surprenant et à ne pas rater…


Place de la République
Texte & Mise en scène : Clément Hervieu-Léger

Avec : Juliette Léger et Daniel San Pedro

  • Lumières : Alban Sauvé
  • Costumes : Caroline de Vivaise

Durée : 1 h 20


Théatre le Lucernaire75006 Paris

Du 15 Mai au 30 Juin 2024 – Du Mercredi au Samedi à  19 h – Dimanche : 15 h 30

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