Mise en Scène : Nelson-Rafaell Madel

Patinage - mis en scène de Nelson-Rafaell Madel

Patinage de Damien Dutrait

Mise en Scène : Nelson-Rafaell Madel

Nelson Rafaell Madel est un metteur en scène formé en Martinique d’une trentaine d’années dont l’expérience commence à compter dans le paysage théâtral contemporain. Lauréat du Prix Théâtre 13 pour la mise en scène d’ “Erzuli Dahomey, déesse de l’amour” de Jean-René Lemoine en 2016, il revient au Théâtre de la Tempête avec “Patinage”, une pièce de Damien Dutrait où la frontière entre réalité et fiction devient poreuse, où ceux qui passent à la télévision envahissent les salons de ceux qui la regardent. 
“Patinage”, un spectacle à voir pour sa sobriété et son élégance, pour l’intelligence de son texte et un jeu des acteurs d’une très haute tenue.   
 

Le canapé du salon comme radeau de survie

Ils entrent en trottinant sur la scène autour de l’espace blanc qui, telle une piste de patinage artistique, la délimite. Deux femmes, deux hommes, deux générations et aucun décor. L’espace blanc devient celui du salon de Mom. Passionnée de patinage artistique, elle passe son temps devant son téléviseur pour en regarder les compétitions. Ce jour-là, les Encagoulés, un groupuscule de révoltés casse les vitrines de magasins de chaussures et le Président Michel doit faire une allocution exceptionnelle, les diffusions des compétitions de patinage artistique sont supprimées.  Mom est désespérée, elle explose de colère et de frustration. Comme dans “La rose pourpre du Caire”, le film de Woody Allen, le Président Michel, les Encagoulés et une patineuse artistique s’invitent dans le salon de Mom, viennent exposer leurs griefs finissant par abolir la fiction et la réalité. Pour Mom, le danger est immense, son canapé devient son radeau de survie, Glorya, sa fille, ne parvient plus à lui faire entendre raison…  

Patinage - mis en scène de Nelson-Rafaell Madel
© Pascal Gély

Un réalisme de carnaval

En crevant l’écran de la télévision familiale, les personnages créés par Damien Dutrait deviennent l’incarnation d’un carnaval où le virtuel finit par stigmatiser et emprisonner le réel. Nelson-Rafaell Madel joue sur le grotesque et l’absurde de situations portées par une langue survoltée. Sa mise en scène devient du début à la fin un numéro de patinage où les personnages qui ne s’assoient jamais se déplacent en dansant, au point de finir par glisser dans leur tête et par faire patiner les situations.  Les colères sociales et politiques se superposent alors aux déroutes familiales. Les révoltes du groupuscule des Encagoulés, l’allocution du président Michel, en passant par la colère et la frustration de Mom qui réclame à grands cris le patinage, finissent par se confondre avec les émotions de la cellule familiale disloquée. Le père s’est enfui. La fille s’occupe de sa mère tout en essayant elle-même d’exister. Le fils erre dans la ville ou dans la mort. La mère, comme une naufragée, ne quitte plus son canapé et sombre peu à peu dans la folie.

“Assise” dans son canapé mais en fait debout et quasi immobile au centre du plateau, Emmanuelle Ramu, dans le rôle de Mom, apporte dans son jeu un grand sens de l’humour et de l’absurde. Un jeu complété par beaucoup d’émotion et de tendresse face à Astrid Bahiya qui interprète le rôle de sa fille Glorya. Les autres personnages valorisés par une mise en mouvement spécifique à chacun, mettent en valeur cette immobilité dans le jeu de Mom. Julien Mason assume, dans un jeu glissé et aérien, le rôle de Mikael, le fils de Mom, tout en représentant le groupe des Encagoulés. Gilles Nicolas joue le rôle d’un Président Michel totalement déjanté et dépassé par les évènements. Son jeu très chorégraphié donne à son personnage et à l’ensemble du jeu sur le plateau un mouvement qui s’apparente au cirque et à la comedia dell’arte. 

Superposition du réel et du virtuel

Les figures côtoyées dans le quotidien se superposent à celles que nous découvrons à la télévision ou sur les réseaux sociaux. Au ton plein de componction des journalistes s’opposent les colères de la mère et la douleur de la fille. La mise en scène fait cohabiter sur un plateau totalement vide, un réel qui finit par se confondre avec les images virtuelles. Le choc des mots et des situations, de la musique classique et du rap des Encagoulés aboutit pour les acteurs à une danse avec le texte. Les mouvements sur le plateau, se superposant aux mots du texte, font jaillir l’absurde et le grotesque mais aussi la vérité et la délicatesse. 

La pièce se termine par des questionnements. Quelles paroles partager et trouver pour soigner les blessures ? Raconter des histoires ? Nommer les choses ? Certaines restent sûres : la terre est sous nos pieds, le ciel au-dessus de nos têtes, manger ensemble est la chose la plus simple au monde, danser ensemble pour dépasser les cris et les coups, raconter nos histoires restent des possibilités.

Patinage - mis en scène de Nelson-Rafaell Madel
© Pascal Gély

Patinage de Damien Dutrait

Texte publié aux Éditions Les Cygnes. 

Mise en Scène : Nelson-Rafaell Madel

  • Musique : Yiannis Plastiras
  • Lumières, Collaboration à la scénographie : Lucie Joliot 
  • Costumes : Leslie Granger
  • Collaboration à la chorégraphie : Gilles Nicolas 
  • Assistanat à la mise en scène : Simon Gelin
  • Son, Régie générale:  Bastien Peralta 

Avec
Astrid Bayiha , Julien Masson , Gilles Nicolas  et Emmanuelle Ramu 

Durée : 1H30 environ 

Théâtre de la Tempête Cartoucherie – Route du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris 

Du 29 janvier au 18 février 2022 Du Mardi au samedi à 20h30,  Dimanches à 16h30


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