
Papy et Mamy
Texte & Mise en scène : Pierre-Jean Cherer
Papy et Mamy ne se parlent plus. Ils râlent, se font des cachoteries, se surveillent et veillent surtout à ce que rien ne bouge !…Autour de ces personnages, Pierre-Jean Cherer imagine une mise en scène “muette”…Enfin pas exactement…Poésie, tendresse, gravité et drôlerie, on trouve tout cela dans le petit monde de Papy et de Mamy… Un spectacle émouvant, plein de trouvailles scéniques et interprété par quatre magnifiques comédiens.
Le temps qui passe…

Le temps qui passe ne les a pas épargnés. Papy et Mamy vieillissent ensemble, dînent l’un face à l’autre et surtout ne se parlent plus depuis longtemps. Ils râlent. “Papy couine et Mamy grince”, souligne Pierre-Jean Cherer pour nous présenter les personnages qu’il a imaginés. Ils ont oublié leurs prénoms et au fil du temps, ils sont devenus Papy et Mamy, même si les petits-enfants sont lointains ou inexistants. Surtout, ne rien bouger, ne rien changer dans ces rituels du quotidien. Papy ne fait plus aucun effort et se laisse traîner dans sa chaise roulante. Mamy râle, mais elle est à son service et Papy, pour l’appeler, fait couiner son cochon en plastique à tout bout de champ ! Papy donne des ordres et Mamy obéit. Mamy crie fort et Papy se fait tout petit! Mais un jour, l’assistante sociale, leur “assignant” leur grand âge, leur impose des aides qui prendront soin d’eux. Refus catégorique de tous les deux. Mais en rencontrant Sarah, aide-ménagère et aide soignante tout à la fois, Papy croit retrouver la fée de ses rêves. Quand John, le kiné, débarque pour assurer les massages de Mamy, celle-ci le voit comme le prince charmant…Mais Sarah et John sont jeunes et un jour, chez Papy et Mamy, ils se rencontrent …
Des univers scéniques et visuels…
L’histoire aurait pu être banale voire bavarde pour raconter avec des mots le temps qui passe, la fin de vie qui se profile, les aléas de la vieillesse, les silences et les regrets, les hargnes et les souvenirs qui s’effacent et se rabougrissent. Dans ce spectacle, Il n’en est rien. La parole limitée à quelques mots lors de colère, se trouve remplacée par des univers visuels qui fondent et assoient chaque action. La scène devient un lieu de liberté où comme dans les films muets, les expressions du visage, une certaine façon d’utiliser les objets mettent en scène l’émotion ou l’action. La lenteur des vieillards devient un élément précis du jeu scénique qui va s’opposer au mouvement des aidants plein de jeunesse et de force physique. Le travail physique proposé par les comédiens construit la dramaturgie de la pièce. D’un côté les personnes âgées. Les mouvements lents, les difficultés de déplacement, les handicaps, les actions répétitives soulignent avec précision la perte de certaines fonctions physiques qui arrivent avec l’âge. Face à eux, les plus jeunes, avec la jubilation de l’expression artistique et du mouvement dans sa liberté totale et sa grâce . Ce qui, avec le langage, entraînerait des jérémiades ou des propos aigris transforment ici les incapacités physiques, les routines nées avec la longueur des années passées ensemble, en un jeu d’acteurs plein d’humour, de trouvailles scéniques qui finit par créer une forme de lyrisme à toutes ces “incompétences” physiques. Les temps se heurtent et se rencontrent à la fois : d’un côté, les vieux corps contraints qui conduisent parfois au reproche et à la colère, de l’autre la grâce, la force et le mouvement des jeunes.

…pleins de poésie et de tendresse !
Ayant rêvé devant les spectacles de Jerôme Deschamps et Macha Makéïeff, fasciné par les spectacles de cirques, les films des Marx Brothers ou de Charlie Chaplin, Pierre-Jean Cherer joue le rôle de Papy et assure la mise en scène de la pièce qu’il a imaginée. Il affirme que pour lui, comme dans ces films ou ces spectacles, “la musique remplace les mots que Papy et Mamy n’ont plus ni la force, ni l’envie de prononcer”. De même, tamisées quand les deux vieillards sont seuls ou éclatantes quand les jeunes gens arrivent, les lumières habillent le plateau et soulignent les choix scénographiques de la mise en scène inscrite dans un décor où règent des objets pleins de poésie désuète. Si la pièce s’enferme au début dans l’étroitesse de la maison et des habitudes de ses occupants, l’arrivée des jeunes gens ouvre enfin la porte vers l’actualité et le mouvement du monde extérieur.
Au-delà de cette mise en scène précise et inventive, la pièce ne serait pas ce petit bijou d’humour et d’émotions sans le travail inventif, porté par l’expérience, la différence d’âge et le jeu précis de quatre d’acteurs complices. Papy et Mamy sont interprétés par deux comédiens au talent créatif et généreux : Marie-Bénédicte Roy (contente de n’avoir pas eu de texte à apprendre !) et Pierre-Jean Cherer (ravi de jouer le premier rôle sans avoir eu besoin de se raser !) sont une Mamy et un Papy parfois pleins de hargne et de roublardise pour duper l’autre et se sentir encore exister. Face à eux, le souvenir de leur jeunesse passée interprété par deux acteurs rayonnants : Sarah Ibrahim qui chante magnifiquement et Clément Chérer, chorégraphe et danseur, amènent le mouvement de la rue et du présent sur le plateau.
Les deux couples réunis sur le plateau, pour la dernière scène, offrent un raccourci de la vie qui va de la jeunesse à la vieillesse. Une dernière image qui ouvre à la fois sur la nostalgie, mais aussi l’espoir, l’ouverture et la générosité de la vie en dépit du temps qui la rétrécit. Après la rage, les déceptions, la violence qui éloignent souvent les choses heureuses, reviennent au premier plan, à la fin du spectacle, la tendresse retrouvée, le rêve et la poésie en nous. Ils ne sont pas morts, mais juste oubliés avec le temps…


Papy et Mamy
Texte & Mise en scène : Pierre-Jean Cherer
- Création lumières : Odile Huleux
- Musique composée par : Hélène Choyer et Elan Cherer
Avec : Marie-Bénédicte Roy, Pierre-Jean Cherer, Sarah Ibrahim, Clément Cherer
Durée estimée : 1 h 15
Du 9 Septembre au 5 Novembre 2023 – Les samedis: 17 h et les Dimanches : 18 h
Théâtre Le Funambule-Montmartre – 75 018 Paris