Nos jardins / Histoire (s) de France #2
Texte : Amine Adjina
Mise en scène : Amine Adjina & Émilie Prévosteau
Autour des immeubles, des jardins qu’ils veulent raser pour construire un centre commercial au pied des immeubles…Ils vont démolir les souvenirs en rasant la cabane du père…On préfère que ce soit beau et propre décident les jeunes…L’engagement lycéen, les jardins ouvriers, Louis XIV et la Commune de Paris…Avec Amine Adjina les Histoires de France ne sont jamais loin et prennent plusieurs directions…
Ce jardin, c’est le sien et c’est aussi le mien !…
S’occuper du jardin, c’est découvrir la culture avec sa punk de mère insiste l’une…Ouais !…Répond l’autre…Quant au troisième, il se dit que le centre commercial qu’ils vont construire pas loin de chez lui, sera génial pour être au top de la mode…Eh oui ! Dans le quartier le politique veut s’opposer au poétique. Les jardins ouvriers du quartier vont être rasés pour la construction d’un nouveau centre commercial. Deux filles tentent de s’opposer à cette disparition. Pour l’une, ce jardin est un morceau de son enfance et la rapproche de son père qui lui explique toujours ce qu’est le vivant. Pour l’autre, on l’impose aux gens du quartier qui ne sont pas d’accord et défendre sa liberté est un acte majeur. Les filles sont des têtues et elles finiront par embarquer leur dadais de copain, le quartier et tout le lycée avec elles, dans un grand mouvement de protestation !
Et puis, dans l’Histoire de France, on ne peut pas oublier que Louis XIV était si fier de ses jardins et de ses bosquets ! Gautier pense même qu’il faudrait donner au centre commercial le nom de “Centre Commercial du Roi Soleil”, histoire d’accepter la modernité et de se référer à la grande Histoire ! Mais les filles disent que ce n’est pas possible, “même si notre langue parle de survêtements et de jeans troués, un jardin ça doit faire rêver, comme une France à la façon d’autrefois !” insistent-elles.
Des jardins pour résister…
Dans le premier volet de son interrogation sur les Histoires de France, Amine Adjina mettait en scène trois lycéens nés en France, mais dont certains étaient issus de parents venus d’ailleurs. Revenant dans une vision décalée, déjantée et pleine d’imagination sur nos cours d’histoire à l’école, il affirmait que « l’Histoire de France se décline aujourd’hui au pluriel » .
“Nos jardins” poursuit ce cycle d’écriture, en direction des jeunes, interrogeant ici la réalité des jardins ouvriers dans les quartiers populaires. La destruction envisagée de ces jardins par les pouvoirs publics ne prend pas en compte les désirs et l’engagement des habitants du quartier. Pour nos trois révoltés, les jardins ouvriers du quartier représentent depuis leur petite enfance, une ouverture vers le vivant et la rencontre solidaire. Lancer une action pour les sauvegarder, car ils font partie de la vie de tout un quartier, c’est préserver et respecter l’intégrité de ses habitants. Comme dans le premier volet des “Histoires de France”, Amine Adjina remet en perspective et réinvente l’impact de l’Histoire dans les imaginaires de notre époque. Gauthier est admiratif de Louis XIV, le plus grand roi, affirme-t-il, mais les jardins qu’il a imaginés, n’ont rien à voir avec ces parcelles qui s’alignent les unes à la suite des autres et où personne ne cultive la même chose…mais que tout le monde partage soulignent les filles… Pour prendre part à cette révolution des jardins dit-il, il faut “prévoir “le package” et être élégant pour se faire entendre”, comme Louis XIV dans ses jardins !
Comment élaborer un geste collectif et organiser la rébellion ? Se mobiliser !…insistent les filles… Entraîner le lycée, tous les lycées !! Suivre l’exemple de La Commune, symbole de la dernière révolution populaire…Se battre contre le pouvoir qui veut imposer une situation des plus contestables !… Voilà !… Nécessité impérieuse pour réussir et conserver la solidarité qui existe déjà grâce aux cultures partagées dans ces jardins familiaux et amicaux.
Une dimension politique et poétique
Ici “Les jardins ouvriers incarnent le buissonnant, le petit, la nécessité, le partage, et le changeant”, imagine l’auteur. Face à cette philosophie, la réflexion autour des jardins à la française de Louis XIV, met l’accent sur l’expression du pouvoir d’un roi au pouvoir absolu. La nature domptée symbolise, dans ce cas, l’autorité et la toute puissance. La construction d’un centre commercial qui détruira, dans la cité, la nature se fait au nom de la même autorité et de la même volonté de puissance..
Le premier volet de “Histoires de France #1” décalait avec un humour décapant les récits de l’Histoire de France et inscrivait la fable théâtrale des trois lycéens sur le même territoire de jeu. Ce volet 2 des “Histoires de France- Nos jardins” reprend le même principe. Pourtant ici, la réalité et la défense des jardins ouvriers se font dans un rapport plus large des principes de l’écologie telle qu’évoquée dans notre histoire actuelle. Sous une forme plus démonstrative et pédagogique, les jeunes organisent, parfois de façon embrouillée, la défense de leurs espaces et plus largement celle des gens de la cité. Préserver la nature pour continuer à se sentir exister. Ici, la référence “aux Histoires de France” s’organise avec une certaine distance, décalant le rapport entre hier et aujourd’hui, cassant parfois le rythme de la mise en scène et du récit.
Selon un dispositif scénique simple, sur une scène centrale et des spectateurs disposés de façon bi-frontale, dans un jeu sincère et engagé, les trois jeunes comédiens mettent en valeur une forme de naïveté émouvante entre l’écriture et le jeu théâtral. Ils finissent par nous transporter et nous convaincre de s’opposer à des objectifs destructeurs de solidarité afin de créer de nouveaux pactes entre la nature et l’humain. Des humains, des animaux et des plantes pour faire corps. Dire non pour ouvrir de nouveaux chemins. Dépasser l’automne et l’hiver pour parvenir enfin au printemps et à l’été…Le renard des jardins qui apparaissait seul la nuit s’est montré aux humains alors qu’ils ont gagné le combat et empêché la destruction des jardins. Mélisande, Manon et Gauthier sont certains que le renard montre le chemin vers une sorte de temps suspendu qui raconte le désir de protéger la nature, mais aussi la poésie et la solidarité. C’est en tout cas, l’assurance qu’en ont nos trois amis et ils ont peut-être…Non… sûrement raison !…
Nos Jardins / Histoire(s) de France #2
Texte : Amine Adjina
Mise en scène : Amine Adjina & Émilie Prévosteau
Avec : Mélisande Dorvault, Manon Hugny et Gauthier Wahl
- Création sonore : Fabien Aléa Nicol
- Scénographie : Cécile Trémolières
- Régie générale et lumières : Azéline Cornut
- Costumes : Majan Pochard
Durée estimée : 1 h – Spectacle à partir de 15 ans
Vu le 21 Mars 2023
Salle Jacques Brel / Théâtre au Fil de l’Eau
93 000- Pantin
TOURNÉE
20, 21 Avril 2023 : L’Agora-Desnos, scène nationale de l’Essonne, Évry (91)
22, 23, 24, 25, 26, 27 Mai 2023 : Malakoff scène nationale, Théâtre 71 (92)