
Moi, c’est Talia
Texte et Mise en scène : Faustine Noguès
Talia, comme toutes les collégiennes se pose bien des questions…Faustine Noguès, auteure et metteure en scène se propose d’aller y regarder de plus près. Cela donne “Moi, c’est Talia”, une pièce qui commence par un atelier de méditation auquel Talia participe avec sa classe…et qui nous conduit à la rencontre avec Taliabis… Une pièce pleine de fantaisie et d’humour qui parle aux adolescents, mais qui éveille aussi les souvenirs des adultes…
Ne penser à rien, c’est possible ?
La scène est plongée dans une douce lumière. Sur une musique zen, une voix calme et profonde nous invite à nous centrer sur notre respiration et à nous absorber dans les profondeurs de la méditation. Il s’agit de respirer “en choeur” nous précise la voix. Au centre du plateau, une jeune fille, les yeux fermés sur une chaise… La jeune fille, c’est Talia qui essaie de faire le vide pour atteindre le but suprême promis par les enseignements de Jade, son professeur de méditation : ne penser à rien.
Mais, voilà, à l’intérieur de Talia, il y a Taliabis qui, elle n’est pas prête à s’arrêter de penser et raconte tout ce qui lui passe par la tête… Taliabis vit à l’intérieur de Talia: elle imagine, interroge, analyse, s’oppose, questionne , juge…Bref… Un vrai tourbillon d’idées confuses, bizarres et qui vont à l’encontre de l’image que Talia veut donner d’elle-même. Et dans la tête de Taliabis, penser ça ne s’arrête jamais, même en essayant de se concentrer sur la respiration, “même quand on n’est pas seule” !…ou que le professeur demande :”C’est quoi le vivant ?” On trouve la réponse, on la met dans un coin, En attendant, Taliabis vous fait penser à plein de trucs qui n’ont rien à voir…Le professeur interroge Talia…Tout oublié avant de lancer : “Quelque chose de vivant, c’est quelque chose qui peut mourir !” Ouf ! Talia s’est rappelé sa réponse !…

Le jeu des comédiennes : Un espace de friction
Cette pièce n’aurait pas à la fois cette simplicité et ce côté ludique sans la présence et la complicité totale du duo des deux Talia. Delia Espinat-Dief (Taliabis) et Lia Khizioua Ibañez (Talia) nous entraînent sur des chemins inattendus et contradictoires. Les deux comédiennes se répondent, s’apostrophent ou se contredisent, ouvrant un jeu théâtral tout en mouvement qui s’organise autour de deux personnages en opposition. D’un côté le jeu explosif, propre à l’adolescence et totalement imprévisible, de Taliabis . De l’autre, Talia qui veut être normale et s’intégrer, même si les injonctions ou les demandes sont contradictoires. Plusieurs personnages existent sous la forme de voix enregistrées, mais seul le personnage physique de Talia et son double intérieur s’incarnent sur la scène. Le jeu simple de Lia Khizioua Ibañez qui joue le rôle de Talia et s’adresse directement au public nous calme, nous rassure. Delia Espinat-Dief, habillée d’une tunique fantaisiste, incarne le côté explosif et secret, imprévisible et drôle de Taliabis. Face à elle, on s’attend à tout, y compris à l’invraisemblable ou au délirant. Lorsque Taliabis prend la main, le bruitage, le mouvement dansé se met en place. Désordonné au début, le mouvement et la musique s’harmonisent à la fin de la pièce comme un équivalent de l’équilibre entre le moi intérieur et le moi social. Taliabis et Talia peuvent enfin coexister.

Faire exister sur le plateau une voix dans la tête
Faustine Noguès, auteure et metteure en scène de la pièce, a mis au centre de sa réflexion cette question : comment faire exister une voix dans la tête sur un plateau de théâtre ? En recueillant les témoignages de collégiens de Colombes, dans un “Bureau de la Pensée” ouvert pendant quelque temps, l’idée de la pièce est née. Les adolescents venaient confier leurs difficultés à se concentrer sur une seule chose, à arrêter le brouhaha de ce bavardage intérieur qui les dérangeait. L’auteure, en les écoutant, a imaginé pour sa pièce une parole qui soutient des expériences sincères. Les jeunes ont parlé des “errances imaginaires”, de l’impact de leurs émotions ou du grand écart entre ce qu’ils montraient d’eux-mêmes et ce qu’ils ressentaient de contradictoire.
L’imagination et l’intelligence de la scénographie d’Alice Girardet et de la création lumière de Zoé Dada, créent des espaces scéniques qui représentent l’espace mental parfois embouteillé de Talia. À la fin de la pièce, les panneaux qui séparaient les espaces s’ouvrent vers un espace illimité qui élargit et réunit enfin les deux Talia.
La salle du Théâtre de Paris-Villette était pleine de jeunes adolescents et même d’enfants à peine âgés de 10 ans. Leur écoute, pendant le spectacle, leurs questions souvent pertinentes durant l’échange avec l’équipe, après le spectacle, ont donné une idée de l’impact de cette pièce sur leur imaginaire. L’enjeu était difficile et aurait pu tourner au bavardage ou à l’explication scientifique sur les mécanismes de la pensée, il n’en a rien été. Partant des questionnements de l’adolescence, la pièce finit par créer un dialogue inattendu entre l’enfance et le monde des adultes. “Pour tout le monde, dit à Talia une vieille dame rencontrée dans le train, ralentir, apaiser, c’est jouer une autre musique en accord avec soi-même et avec le monde” . La voix est toujours dans la tête, il est possible de l’apprivoiser et c’est peut-être un début rassurant.
Moi, c’est Talia
À partir de 8 ans – Le texte est édité aux Éditions l’Oeil du Prince
Texte et mise en scène : Faustine Noguès
Avec : Délia Espinat-Dief & Lia Khizioua Ibañez
- Scénographie, Costumes, Collaboration artistique : Alice Girardet
- Création sonore : Colombine Jacquemont
- Création lumière : Zoé Dada
Durée estimée : 50 mn
Création du 17 février au 5 mars 2023
- 19h : Vendredi 17 février-Samedi 25 février – Samedi 4 mars
- 15h30 : Dimanche 19 février – Dimanche 26 février -Dimanche 5 mars
- 14 h 30 :Mar. 21 février – Merc. 22 février – Jeu. 23 février – Mar. 28 février-
- Merc. 1er mars – Jeu. 2 mars
Théâtre Paris-Villette – 211 Avenue Jean Jaurès- 75 019 Paris