Likez-vous les uns les autres !
Texte : Philippe Fertray
Mise en scène : Servane Deschamps
Rester en contact avec son petit-fils peut être une façon de fréquenter les réseaux sociaux… Pourquoi pas ?…Philippe Fertray en est convaincu …En écrivant et en jouant “Likez-vous les uns, les autres !”, un spectacle drôle et intelligent, au théâtre de la Contrescarpe à Paris, son humour finit par nous convaincre que les réseaux sociaux représentent des chemins possibles d’apprentissage !… Bon ça c’est à voir !…
Homme-Mannequin Senior cherche à contacter petit-fils
Facebook, Instagram TikTok… Les réseaux sociaux, vous connaissez ? Oui bien sûr!…Vous y passez toutes vos journées, savez-vous pourquoi ?…Ben pour se sentir exister voyons ! Et ce n’est pas lui, avec sa dégaine de plus en plus impossible qui nous contredira. Lui, qui ne manque pas d’idée pour continuer à rester dans le mouvement en dépit de son âge ! En attendant, pour arrondir sa retraite, il est devenu mannequin senior amateur et défile pour la Fashion Week ! Et pour rester proche de son petit-fils Théo, il s’est intéressé aux réseaux sociaux. Il est même devenu copain avec lui sur les réseaux c’est dire ! Mais bon…Les réseaux sociaux c’est pas vraiment son truc. Il pense que tous ces media informatiques et les réseaux sociaux au premier plan participent à l’abêtissement généralisé de toutes les générations !
Seul en scène, entre deux présentations de tenues plus extravagantes les unes que les autres et imaginées par Sophy Adam, Philippe Fertray, mis en scène par Servane Deschamps, livre ici “la performance d’un artiste iconoclaste, original, inclassable”.
Entre deux présentations de robes au défilé, il rejoint sa cabine d’habillage et vient nous asséner tout ce qu’il pense sur la question des réseaux. Aucune démonstration, il nous prend pour confidents et raconte. Influenceurs et influenceuses, lanceurs d’alertes complotistes, narcissiques compulsifs, maniaques de tutos, gourous de toutes sortes…Ils vont tous défiler avec leurs dérives langagières, leurs addictions au web et leur besoin de se valider en obtenant le maximum de “like”. Parce que les réseaux sociaux, ce sont des mondes d’amour où au gré des scrolling et des rencontres hasardeuses, sans discontinuer, on se like les uns, les autres !
Un monde hyper-connecté et pas si net …
Pour ce grand-père, mannequin senior qui souhaite rester dans le coup, il ne s’agit pas ici d’exprimer un point de vue qui conduirait à une adhésion ou à une critique négative des réseaux sociaux. L’idée, pour lui, est de trouver un moyen pour se rapprocher de son petit fils qui vit “collé” à l’écran de son ordinateur et qui favorise des contacts sur les réseaux sociaux avec des tas de gens, qu’il ne rencontre pas et qu’il ne connaît pas.
Le grand-père s’affirme comme un homme du monde d’avant, mais se rapprocher de son Théo – qui se présente sur les réseaux comme un “prophète” sans bien préciser,- l’oblige à s’interroger.
Comment fonctionnent les réseaux sociaux ? Qu’est-ce qu’on y raconte ? Comment y parle-t-on ? Et surtout que veulent tous ces fondus des écrans ? Partant de Théo qu’il connaît bien -ou du moins le croit-il – il commence son enquête restant ouvert sur toutes les propositions d’un air dubitatif. Que de surprises !!!
Entre deux présentations de robes “improbables” mais apparemment très appréciées du public en dépit de la mauvaise organisation du défilé, avec un humour qui va grandissant d’un récit à l’autre, Philippe Fertray, dirigé avec sobriété et une grande précision par Séverine Deschamps, joue de la naïveté du grand-père, “prisonnier” d’une autre éducation. Très sérieusement, il visite les réseaux sociaux des influenceurs et influenceuses, des faux prophètes, des raconteurs d’histoires à deux balles et des complotistes qui annoncent grâce à des informations inédites, que les Francs-maçons sont dirigés par des Illuminati, que le Mossad et l’Opus Dei signent des accords secrets et que Christophe Colomb n’a pas découvert l’Amérique !
Spectacle “impitchable” à découvrir avec joie et “emperchouflure”
Scrollant comme un fou, entre l’information sur des glissements de terrain, l’un en Indonésie, l’autre au Pérou et le troisième ici ou là, l’humanité entière défile sur l’écran, permettant un accès à une culture “geek” dont Philippe Fertray va soulever les voiles divers. Il souligne notamment l’importance des Like et qu’il nous résume ainsi : “les Like produisent des expériences de récompense faisant que les gens se sentent bien.(…) Libération de dopamine et activation du circuit de la récompense dans le cerveau”. Donc avec le temps, associer les Like et le fait de se sentir bien crée une forte motivation pour se servir des réseaux sociaux. Ainsi, les Like conduisent les gens à se servir des réseaux sociaux de plus en plus . CQFD !…
Voilà qui est dit. La validation d’autrui représente la base des réseaux sociaux. Ça twitte, ça speeche en racontant n’importe quoi pour fourguer n’importe quoi. Comme par exemple, ce brancardier qui veut devenir un chanteur à fleur de peau avec des paroles issues de chat GPT. Mais peut-être que rien n’est perdu quand on croise sur un écran le romancier Patrick Modiano parlant de son oeuvre, hésitant et cherchant ses mots. Le Grand-père aimerait que Théo puisse croiser Modiano sur son écran histoire de rattraper le rêve ! Mais le chenapan doit encore surfer à tout va sur les réseaux sociaux !
Le petit-fils “prophète” n’a toujours pas appelé son grand-père. Il a encore déserté la réalité. Lui, le grand-père, continue d’appartenir au monde où les gens se parlaient. 1 h 10 durant, Philippe Fertray essaie de nous éduquer avec méthode et parfois sans grande conviction aux réseaux sociaux. Peu importe. Ceux qui connaissent les réseaux sociaux savent pourquoi, les autres finiront peut-être par le savoir.
Likez-vous les uns les autres !
Auteur et interprète : Philippe Fertray
Mise en scène : Servane Deschamps
- Création des costumes : Sophy Adam
- Musiques : Vincent Baribaud, Philippe Fertray, Bruno Ménager, Philippe Zerbib
- Remerciements : Helios Joinau, Walid Hoyek
Durée estimée : 1 h 10
Lundis et Mardis à 19h• Mercredis et Jeudis à 21h• Dimanches à 18h30
Relâche le 15 juin
Théâtre de la Contrescarpe – 75005 Paris