L’expérience de l’arbre / 木を生きる
Conception et Mise en scène : Simon Gauchet
L’un est un acteur du théâtre Nô, l’autre a été formé en France. Simon Gauchet et Tatsushige Udaka de l’école Kongô se sont rencontrés en 2008 au Japon. L’acteur japonais transmet au français des bribes de son théâtre millénaire. Il refuse de se faire payer, mais demande à l’acteur français de revenir un jour lui transmettre le théâtre occidental. Voilà c’est fait et cela donne “L’expérience de l’arbre”, une pièce magique, résultat de cette promesse tenue dix ans plus tard.
Deux cultures du théâtre sur le plateau
Quels sont et comment naissent les rituels de transmission au théâtre sur plusieurs générations ? Quels échanges peuvent se mettre en place lorsque les théâtres sont issus de mondes culturels différents ?
Dans le Théâtre Nô trône au fond de la scène un arbre qui devient le témoin des échanges entre les acteurs sur le plateau. “L’expérience de l’arbre” une pièce conçue et mise en scène par Simon Gauchet naît autour de cette idée. Le plateau devient ainsi le lieu où deux cultures s’interrogent. Autour de cet arbre muet et pourtant si vivant s’organise un échange entre deux artistes issus l’un du théâtre japonais et l’autre du théâtre occidental.
Sur le plateau nu, ils apparaissent côte à côte, liés par une parole et par des plaisanteries sous-jacentes. Habillé d’un costume traditionnel du théâtre Nô, le Japonais insiste sur la tonalité de la voix, la force d’une pratique ancestrale transmise depuis plus de 400 ans. Chanter, poser la voix c’est comme danser, explique-t-il au comédien français et cela devient le combat d’une force de gravité qui ancre le spectacle et pose à la fois le personnage et l’émotion. Dans le théâtre Nô, par exemple le saule, frère immobile, danse avec le vent. À partir, de l’incarnation de l’arbre, les dieux apparaissent, la vibration des branches deviennent un choeur qui donne un ancrage à l’action des acteurs sur le plateau. Côté occidental, la voix enregistrée d’Antonin Artaud, tout en vibration et en incantation fait écho aux pratiques du théâtre japonais. Le livre “Le théâtre et son double” d’ Artaud rappelle la puissance physique, magique et sacrée d’une pratique un peu oubliée dans le théâtre français.
Le théâtre : une présence du visible et de l’invisible
Pas à pas , les deux acteurs relient les fils d’un théâtre où apparaît en filigrane l’invisible dans le jeu physique des acteurs et dans les mots qui racontent. Aucune démonstration intellectuelle dans les explications, mais la présence d’un monde flottant où règnent les fantômes, à travers les histoires de ceux qui ont précédé. À travers le jeu des deux acteurs, se tisse le fil invisible entre le rêve et la réalité.
Comme par exemple, dans le théâtre baroque occidental les mots, les situations décrivent le monde qui surgit du mouvement. Dans le théâtre Nô, le monde entre et sort de l’éventail que l’on déplie. Les arbres gardent en eux la présence des humains, ces fantômes habillés du masque qui apparaissent dans le théâtre Nô ou la comedia dell arte.
Le cadeau sacré de l’arbre
Peu à peu sur la scène, l’arbre devient l’acteur central dont on raconte l’histoire. Le japonais raconte celle de l’arbre qui renaquit au milieu de la forêt détruite par la bombe atomique sur Hiroshima ou après le tsunami de 2011 redonnant une âme à tous les disparus. La parole de l’occidental fait renaître toute la grandeur du chêne et du roseau de la fable de La Fontaine dans une diction du XVII° siècle qui fait écho au rythme de la parole dans le théâtre Nô. Théâtre occidental et oriental se rejoignant et créant ce ballet éternel et souvent oublié entre l’homme et la nature. L’empire des mots devient alors le cadeau sacré de l’arbre érigé en symbole du monde.
Porté par la musique vivante et magique de Joaquim Pavy qui soutient l’intimité des corps et la parole des acteurs, les fantômes surgissent et viennent interroger le présent. Dans l’intimité des corps, les non-dits des mots, le non-humain et les symboles se dessinent et apportent des réponses inédites qui finissent par unir deux pratiques théâtrales apparemment opposées. Passé et avenir se rejoignent portés par la parole de l’arbre qui raconte et finit par créer un lien entre la terre et le ciel, entre les humains et les dieux.
Un spectacle magique – à l’exploitation trop courte à Paris et c’est dommage – qui s’est terminé dans un noir total et un silence sacré de plusieurs minutes avant que n’éclatent les applaudissements d’un public totalement enthousiaste.
L’Expérience de l’Arbre / 木を生きる
Conception et Mise en scène : Simon Gauchet
Interprétation : Simon Gauchet, Tatsushige Udaka Ou Hiroaki Ogasawara, Joaquim Pavy
- Scénographie : Simon Gauchet
- Regard extérieur : Éric Didry
- Collaboration artistique : Éric Didry, Benjamin Lazar et Arnaud Louski-Pane
- Musique : Joaquim Pavy
- Lumière : Claire Gondrexon, Anna Sauvage (en alternance)
- Son : Vincent Le Meur, Marine Iger (en alternance)
- Création costume: Anna Le Reun
- Construction: Édouard Raffray, Yann Kerrien
Durée estimée : 1 h 40 h
Vu au Théâtre de Paris-Villette – 75019 Paris
Dans le cadre de l’anniversaire des 10 ans du Théâtre Paris-Villette.
Saison 2023-2024
16 au 19 novembre – Théâtre Paris -Villette
19 et 20 mars – Théâtre du Bois de l’Aune – Aix en Provence
14 mai – Théâtre municipal de St Lô