Les Étrangers
Texte & Mise en scène : Clément Bondu
“Cet été-là, Paul commença à imaginer un roman, un récit qui aurait pour centre Ismaël et retracerait les quelques semaines qu’il avait passées là-bas, dans la maison…” Seul en scène, le comédien déroule son texte… Portées par les mots, les images naissent et construisent le paysage… ”Première partie, l’Inquiétude” s’affiche sur un écran… Écrivain et cinéaste, Clément Bondu adapte et met en scène pour le théâtre “Les Étrangers”, son propre roman paru en septembre 2021. Une pièce qui déconcerte, dérange, et qui gagne à être découverte.
L’inquiétude, un paysage à la fin de l’été…
Cet été-là, dans la maison familiale, Paul passe ses vacances avec Ismaël. Complètement fasciné par son ami, Paul imagine en faire le héros d’un roman qu’il souhaite écrire. Ismaël disparaît mystérieusement, Paul part sur ses traces…Le roman s’écrit dans la tête de Paul qui rate sa vocation d’écrivain…Il rencontre Ariane puis Aurore …De Paris à Berlin, de Naples à Moscou, de Sète à Tanger, nous partons sur les traces d’Ismaël à la suite de Paul. Sur ses pas, les récits d’Ariane, Aurore, Ida donnent de nouvelles pistes à la quête tout en brouillant les repères. La description des paysages, les mots qui racontent le parcours des personnages deviennent les étapes des rêves de ces jeunes adultes qui tentent de se rendre “disponibles à la remise en désordre des choses”.
“…Ça n’était rien de clair, plutôt une sensation diffuse, un pressentiment”. Cette impression dès les débuts de la pièce est celle qui nous frappe en tant que spectateur. A tour de rôle les personnages prennent en charge le récit et dans ce rôle de narrateur, ils deviennent aussi les témoins de l’histoire qu’ils ont vécue. Portés par leurs mots, se détachent les paysages du Sud de la France, les collines, les champs de maïs et de tournesol, la mer et le vent et surtout la silhouette d’Ismaël…Les mots dessinent la dramaturgie de la pièce de théâtre. Travaillant sur le temps passé et les souvenirs que l’on garde en soi, les images projetées sur l’écran s’inscrivent dans les ellipses du texte et renforcent le récit. Les années qui passent et les lieux multiples décrits par les mots se dessinent dans l’imaginaire du spectateur. S’appuyant sur les creux et les manques du récit, naissent les souvenirs et apparaissent les fantômes. Portée par le pouvoir de l’imaginaire et la force du texte théâtral, la pièce représente un point de rencontre entre littérature et cinéma.
…Les paysages lointains et le soleil
La “porte” qui sert de décor au début la pièce, s’ouvre sur deux espaces intérieurs, deux chambres, métaphores de ces chambres qui nous ont accueilli pour une nuit ou pendant des années et qui fonctionnent dans la scénographie comme deux plateaux de cinéma. Le texte est découpé en trois parties thématiques: la première s’intitule “L’inquiétude” et se déroule en phrases amples qui digressent, se croisent et se répètent. La seconde traverse des “Paysages lointains” comme un long flash-back de phrases courtes, porté par les différents personnages, dans un rythme incisif et dansé. Ici le temps et les lieux multiples imposent à la fois les découvertes et le défilement des années. Les personnages et leur histoire, le voyage existent avant tout dans les mots. Les comédiens qui les portent font irruption dans la vie du spectateur et semblent s’effacer, dès la fin de leurs répliques, comme avalés par les paysages et les vies qu’ils décrivent.
La troisième partie de la pièce s’intitule “Le Soleil” et met en scène la ville de Tanger, sorte de ville-monde où Paul espère enfin retrouver Ismaël en rencontrant Ida qui fut sa compagne. Le ton, la lenteur du long monologue d’Ida donnent une sensation de flottement apportant comme une “ suspension dans le paysage (…) basculant dans un demi-sommeil, proche du rêve, ou de la contemplation”. Le récit dit comme une confidence nous conduit vers le temps des fantômes, là où les humains disparaissent dans le paysage. L’acteur et le spectateur se retrouvent confondus dans un récit qui finit par faire disparaître les limites. “Un endroit où se mêlent les eaux de la mer et de l’océan, c’est-à-dire un endroit où le soi et l’autre se retrouvent confondus, sans frontières tangibles”, comme la fin d’une quête qui permet à Paul de rejoindre enfin Ismaël ou de se perdre à jamais.
Les Étrangers
Texte & Mise en scène : Clément Bondu
Roman de Clément Bondu publié aux Éditions Allia
- Assistante à la mise en scène : Sarah Delaby-Rochette
- Scénographie & Costumes : Charles Chauvet
- Musique originale : Jean-Baptiste Cognet
- Création lumière, Régie lumière & générale : Nicolas Galland
- Assistante création lumière : Amandine Robert
- Régie son & vidéo : Mathieu Plantevin
- Traduction du texte en arabe: Nassedine Chakir
Avec : Mona Chaïbi, Vanessa Fonte, Lisa Kramarz, Antonin Meyer-Esquerré (à l’image), Mathieu Perotto
Durée : 2 H
Du 18 au 31 Mars – Lundi, vendredi : 20 h – Mardi, jeudi, vendredi 19 h – Relâche:mercredi et dimanche
Théâtre de la Cité Internationale – 17, bd Jourdan 75014 Paris
TOURNÉE
- 24 Mai 2022 : Circa (Auch)
- 2 au 12 Juin 2022 : Les Célestins – Théâtre De Lyon