Les Étoiles
Texte et Mise en scène : Simon Falguières
Après nous avoir promené dans un “Nid de Cendres”, son spectacle précédent, Simon Falguières reprend “Les étoiles” , une pièce où il nous conduit, ni plus ni moins, dans le cosmos ! Une pièce-saga, telle qu’il les aime et sait les mettre en scène. Sous le regard complice de deux marionnettes qui traversent le spectacle et d’Ingmar Bergman entre autres, il nous emmène entre conte et récit réaliste, dans un drame intime et cosmique qui convoque les dieux, nous promène sur les flots ou dans la forêt du petit Poucet pour nous permettre de rejoindre enfin les étoiles !
Simon Falguières : un éveilleur de contes
Une maison entourée d’eau à la suite d’une inondation…Une maison dans la forêt, dans une lumière un peu crépusculaire qui semble tout droit sortie d’un conte de fées. Pourtant très vite, l’histoire tourne au drame. Ezra, fils unique et jeune poète doit prononcer l’oraison de sa mère Zocha qui vient de mourir. Pas un mot ne sort de sa bouche. Suite à cela, il perd totalement l’usage de la parole et s’enferme à l’intérieur de lui-même. Pierre, son père, son oncle Jean, un artiste qui a la naïveté et la clarté des gens simplets et Sarah l’amie d’enfance la fiancée d’Ezra qui attend un enfant de lui, se trouvent totalement désemparés. Ils essaient tant bien que mal de gérer ses silences et de le reconduire vers la réalité. Dans l’intimité de la famille vient se glisser “l’extérieur” à travers le personnage de “la responsable des funérailles » qui finira par se lier avec l’Oncle Jean.
Pourtant, en dépit de ses silences, Ezra vit une autre vie. Il est loin dans sa tête et sans quitter sa chambre, il entreprend un long voyage. Celui où il espère trouver le chemin qui lui permettra de passer par les étoiles pour retrouver sa mère…
Un temps chaviré…
Passant du fantasque au mélancolique, Simon Falguières nous conduit dans un temps chaviré qui implique la réalité du quotidien pour l’ensemble de la famille et les rêves agités d’un poète qui, en perdant l’usage de la parole, nous entraîne à sa suite dans un voyage imaginaire, dans l’intimité d’un personnage dont les repères du moi et de la réalité explosent.
La mise en scène de Simon Falguières s’appuie totalement sur la scénographie d’un Emmanuel Clolus toujours aussi imaginatif, précis et talentueux, une scénographie d’où surgit la lumière et se découpent les ombres et les espaces. L’utilisation du plateau et des accessoires permet au metteur en scène de jouer sur l’écartement des murs et la symbolique des objets choisis: la petite maison tout au début de la pièce semble tout droit sortie d’un conte, les murs s’écartent et c’est la chambre funéraire, le bois, l’intérieur de la maison ou de l’atelier de l’Oncle Jean qui apparaissent…Un chien, qui n’est pas sans évoquer les chiens de l’univers des morts dans la mythologie égyptienne, est le gardien des histoires et des espaces que traverse Ezra.
Le temps et l’espace diffractés du rêve…
Le récit d’Ezra prend de plus en plus la forme d’un temps qui s’étoile alors que se multiplient les références (la maison de “Fanny et Alexandre” dans le film de Bergman, une forme mélancolique des dialogues qui évoquent ceux des pièces de Tchékhov…). La pluie qui tombe pendant trois jours recouvre le village et laisse seulement émerger les toits des maisons…Dans ce temps qui se diffracte se déroule le récit d’Ezra, un temps mythologique, silencieux et intérieur alors que, de l’autre côté du mur de sa chambre , le temps passe avec la naissance de Macha, la fille de Sarah et Ezra, la relation heureuse entre l’Oncle Jean et la “responsable des funérailles”, la vieillesse du père qui finira par repartir vers le pays de l’enfance…
“Non Ezra, on ne dort pas avec ses marionnettes. Tu risquerais de les casser ! Un enfant qui dort, ça n’a pas de délicatesse. Laissons la belle Kowagounta Papo sur la table de chevet. Elle te regardera dormir ! Elle éveillera les histoires.” murmure Zocha qui revient visiter Ezra enfant. Ezra, adulte, enfermé dans le cercueil construit pas l’Oncle Jean pour Zocha finit par être réveillé par Ingmar Bergman porteur des deux marionnettes. Ezra s’éveille enfin à la vie réelle après ce long « sommeil ». Il a vieilli et il a fini par cicatriser ses blessures. Le temps est passé. Entre Macha qui a grandi et son père Ezra, renaît le dialogue de la vie. À Ezra qui lui demande de pardonner son absence, elle répond : “Vous n’avez pas été absent. Je venais tout vous raconter. Je vous parlais de cinéma.”
Simon Falguières nous a donné l’habitude de textes où la parole se déplie dans des directions multiples. Avec sa magnifique équipe de comédiens, de faiseurs d’images, d’accessoiristes et de magiciens du plateau, il nous conduit ici sans nous perdre, dans l’imaginaire des mythes, à travers la poésie d’un texte flamboyant et d’une mise en scène où se télescopent les sens et les images.
Les Étoiles – Reprise
Texte lauréat de l’Aide à la création de textes dramatiques – Artcena/ ODIA.
Publié aux éditions Actes Sud-Papiers.
Texte et mise en scène : Simon Falguières
Avec : John Arnold, Mathilde Charbonneaux, Charlie Fabert, Simon Falguières, Pia Lagrange,Stanislas Perrin, Agnès Sourdillon et la participation d’Emma Lagrange
- Assistanat à la mise en scène : Edouard Eftimakis
- Scénographie : Emmanuel ClolusLumières : Léandre Gans
- Création sonore : Valentin Portron
- Costumes : Lucile Charvet assistée de Léa Bordin
- Accessoires : Alice Delarue
- Réalisation film : Emmanuel Falguières
- Régie générale : Clémentine Bollée assistée de Nicolas Gérard
- Dispositif sonore : Celsian Langlois
- Instrumentarium métallique : Igor Boyer
Durée estimée : 2 h
Spectacle vu en Février 2023 / Théâtre de la Tempête- Cartoucherie / 75012 Paris
TOURNEE 2023/ 09 février 2023 – Transversales (Verdun)