"Le tigre bleu de l'Euphrate" Texte : Laurent Gaudé

Le tigre bleu de l’Euphrate

Texte : Laurent Gaudé

Mise en scène : Denis Marleau

“Terrasses”, l’autre pièce de Laurent Gaudé, proposée au même moment, au Théâtre de la Colline  réunit un choeur composé de 17 comédiens. Dans “Le tigre bleu de l’Euphrate”, un seul comédien… Porté par un jeu exceptionnel de folie et d’imagination, Emmanuel Schwartz incarne Alexandre le Grand, le plus célèbre roi de l’Antiquité…

Alexandre le Grand ou la question du désir

Babylone. 11 juin de l’an 323 avant Jésus-Christ. À peine âgé de 32 ans, Alexandre, l’empereur de toutes les conquêtes, est en train de mourir. Après avoir battu le grand Darius, conquis Babylone et Samarcande, après avoir construit des villes dont Alexandrie, la plus célèbre ville d’Egypte et fondé un immense empire, il est terrassé par une fièvre contractée sur les bords de l’Euphrate et il ne lui reste que quelques heures à vivre. Il ne tremble pas. Il contemple la mort et l’invite à s’approcher pour lui raconter lui-même ce que fut sa vie. Fils du roi Philippe II et élève du philosophe Aristote, Alexandre a conquis la Perse et s’est avancé jusqu’au rêve de l’Indus. Un tigre bleu, dit-il, traversant le fleuve Euphrate lui a ouvert la route et indiqué le chemin…Alexandre est encore un homme jeune, toujours plein d’ambition et malgré son désir, il est en train de mourir et il ne pourra terminer ses conquêtes de l’Inde et de l’Arabie… Alexandre parle et la mort l’écoute. Revivre l’ivresse de ses épopées et ressentir, une dernière fois, le désir. Celui de ne jamais interrompre sa course. De s’enfoncer toujours plus loin, dans des terres inconnues. Rester toujours fidèle à cette soif intérieure que rien ne peut étancher…

Le Tigre, l’Euphrate et le Gange…

Denis Marleau reprend cette pièce de Laurent Gaudé qu’il avait mise en scène à Montréal en 2018. Dans cette pièce, les fleuves Tigre et Euphrate sont présents dans l’imaginaire de l’auteur, y compris dans le titre de la pièce. Ces deux fleuves mythiques constituent un point de départ aux conquêtes d’Alexandre le Grand et le transforment à son tour en un mythe qui va enraciner sa personnalité dans l’hybris, la démesure. Les mots de la pièce de Gaudé deviennent les outils qui redonnent corps aux territoires infinis, conquis par Alexandre. C’est le dernier jour de sa vie et c’est avec une totale lucidité, face au Dieu des Morts qu’il décide de le vivre en évoquant ses conquêtes. Portés par la fièvre de l’urgence, les mots s’enchaînent comme un défi au dieu des Enfers qui vient le prendre. En racontant les conquêtes qui ont créé le mythe de son existence, Alexandre les pose comme des justifications au sens de sa vie décidée par les dieux eux-mêmes. Alexandre sait que cette fin sera douloureuse, qu’elle le fera mourir de faim et de soif. Pourtant, porté par les souvenirs et l’appétit du triomphe, ses mots redonnent corps aux territoires conquis et surtout justifie le désir inaltérable qui a présidé à toutes ses conquêtes. Il va mourir, mais faire face courageusement et volontairement au Dieu de la Mort sera son dernier défi. Celui qui lui permettra d’outrepasser à nouveau les limites du possible, celles qui lui ont permis de franchir les fleuves, les montagnes et les étendues désertiques.

Le tigre bleu de l’Euphrate

Alexandre se souvient du tigre bleu croisé un matin sur les bords de l’Euphrate, celui qui, précisément, l’a conduit à poursuivre ses conquêtes vers l’Orient…“Ce matin-là, se rappelle-t-il, j’ai cessé d’être un conquérant imbécile, j’ai abandonné mon sourire de vainqueur et mes rêves de victoire militaires (…) Le tigre bleu de l’Euphrate m’a logé au fond du ventre une faim infinie. Ce jour-là, je sus obscurément que c’était l’Orient qui me marquerait de son empreinte sacrée. Je compris que j’étais un roi que rien ne rassasie…” La rencontre du tigre bleu devient un symbole : l’animal prolonge le fleuve Tigre de son royaume d’origine et insère le fleuve Euphrate comme une nouvelle frontière à dépasser pour aller conquérir le Gange. Devenu un mythe, le tigre bleu ouvre alors les portes du monde y compris, en ce dernier jour, celui du monde des morts. Emmanuel Schwartz porte les mots fiévreux du monologue.“Avec Emmanuel Schwartz, souligne Denis Marleau, je me suis mis à l’écoute des vents et des souffles (…) Ceux qui pourraient animer le corps fictif de cet Alexandre le Grand.” Dans un investissement total du corps, l’acteur passe d’une voix murmurante à des cris qui semblent surgir d’un espace inconnu. La voix et les gestes compulsifs de ce corps malade sont portés par les pulsions du corps de l’acteur qui essaie à son tour de dépasser voire de vaincre le néant.  S’appuyant sur l’armature sonore des mots, sur les rythmes et les scansions de la langue poétique des dix chants qui composent le poème de Laurent Gaudé, la mise en scène met en relief une scénographie constituée par des images projetées aux contours flous qui nous font traverser les univers d’Alexandre, de la douce Babylone aux montagnes, aux déserts et aux fleuves traversés. Face à l’intimité de la mort inévitable pour tous les humains quel que soit leur rang, dans une chambre aux murs clairs et nus, nous voici projetés dans le dénuement de la vie d’un corps qui va s’arrêter de respirer. “Au moment de mourir, souligne Laurent Gaudé, un appétit brûle toujours Alexandre : vouloir encore et toujours. Plonger dans l’inconnu, ici le monde des morts, et le faire totalement, sans se soumettre et sans rien laisser derrière soi…” Dans ce moment final, Le tigre bleu est peut-être revenu vers Alexandre le Grand, pour le guider dans cette dernière conquête: celle du Royaume des Morts. 

L’auteur Laurent Gaudé et le metteur en scène québécois Denis Marleau renouvellent leur collaboration en présentant au Théâtre de La Colline deux spectacles: “Terrasses”, une pièce récemment écrite et “Le tigre bleu de l’Euphrate”, reprise d’une pièce créée en 2018 à Montréal. 


Le tigre bleu de l’Euphrate

Texte : Laurent Gaudé
Mise en scène : Denis Marleau

Interprétation : Emmanuel Schwartz  

  • Collaboration artistique et Conception Vidéo : Stéphanie Jasmin
  • Assistanat à la mise en scène : Carol-Anne Bourgon Sicard
  • Scénographie:  Stéphanie Jasmin et Denis Marleau assistés de S. Longpré 
  • Lumières : Marc Parent
  • Musique : Philippe Brault
  • Costumes : Linda Brunelle
  • Maquillage et coiffure : Angelo Barsetti
  • Design sonore : Julien Eclancher
  • Coordination et Montage Vidéo : Pierre Laniel 

Durée estimée : 1h 30


Théâtre de La Colline Petit Théâtre 75 020 Paris

du 24 mai au 16 juin 2024

Du mercredi au samedi à 20h, le mardi à 19h et le dimanche à 15h30 

Excepté samedi 15 juin à 18h et dimanche 16 juin à 14h30


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