Théâtre : "Le Mandat" Texte : Nicolaï Erdman - Mise en scène : Patrick Pineau

Le Mandat

Texte : Nicolaï Erdman


Mise en scène : Patrick Pineau

Après avoir monté, il y a quelques années “Le Suicidé” de Nicolaï Erdman, Patrick Pineau retrouve l’univers de cet auteur russe en mettant en scène “Le Mandat”, une pièce écrite dans l‘Union Soviétique de 1924. Mise en scène par Meyerhold en 1925, la pièce fut jouée plus de 350 fois puis interdite. Reprise après la mort de Staline en 1956, le texte sera édité, à la chute du régime socialiste, après la mort de son auteur .    

Sept ans après la mort du tsar: la Russie Soviétique

Depuis sept ans, le tsar de Russie et sa famille ont été assassinés. La République Soviétique a pris la place de la Russie impériale. Mais comment trouver sa place dans cette société en mutation et surtout comment survivre dans un monde où il est si difficile de se situer ? se demandent les Goulatchkine et les Smetanitch. Une solution et une seule existe pour la mère Goulatchkine: marier son fils Pavel Sergueïevitch avec la fille Smetanicht ! Si Pavel Sergueïevitch obtient un mandat du parti communiste, la sécurité des deux familles est assurée…Rien n’est moins sûr car comment se comporter face au conservatisme de l’ordre ancien des uns et à la petite-bourgeoisie montante post-révolutionnaire des autres ? La course folle est lancée. Quiproquos, situations délirantes peuvent s’enchaîner et nous embarquer à leur suite !…

Dans la fourmilière des conventions à dépasser

Face aux surveillances en cours dans la Russie socialiste en construction à cette époque, un personnage affirme dans la pièce “ce qu’un vivant peut penser, seul un mort peut le dire”, histoire de souligner la surveillance permanente mise en place par le nouveau régime. Mais il faut bien vivre se disent et s’encouragent les uns et les autres !
Chez les Goulatchkine. La première scène débute par un clou planté dans un mur pour accrocher un tableau. Par inadvertance, les coups de marteau provoquent chez le voisin, la chute d’une casserole de vermicelles au lait qui tombe et colle sur sa tête les pâtes qui y cuisaient. Le voisin en fera un couvre-chef permanent pour affirmer son désaccord et ses revendications. Face à des situations de plus en plus comiques, parfois entrecoupées de musique, surgit le monde des petites gens auxquels cette famille anciennement aisée se trouve désormais confrontée dans sa propre maison. La première partie de la pièce se déroule dans le petit appartement surchargé, mais sécurisant des Goulatchkine. Les cadres suspendus au mur de la pièce principale constituent les références sociales et religieuses de la famille. Il faut cependant se méfier et tout prévoir. En cas de visite d’un membre du Parti Communiste. Retourner, le tableau de La nuit à Copenhague ou celui de l’image du Christ, devenus politiquement incorrects et les remplacer par le portrait de Marx fixé au dos de ces tableaux.
Chaque problème trouve sa solution ! Dans la seconde partie de la pièce, l’atmosphère chaleureuse et inventive de l’appartement des Goulatchkine est remplacée par l’espace désert de la maison des Smétanitch, à l’image du monde perdu de la Russie des tsars, vaste et vide !

Une mise en scène déjantée

Le caractère subversif de la mise en scène de Patrick Pineau souligne le comique des situations dans lesquelles se glissent l’incertitude du monde nouveau en gestation. Ce parti pris, tenu du début à la fin du spectacle est soutenu par une scénographie inventive qui s’adapte au déséquilibre de chaque situation. La mise en scène, le jeu plein d’imagination et le comique de la troupe des quatorze musiciens et comédiens, soutiennent ces choix de la mise en scène. Au centre de l’action, Nadine Moret, dans le rôle de Varvara, imagine tous les stratagèmes pour parvenir à un mariage de rêve. Sylvie Orcier, dans le rôle de la mère réinvente les stratégies du mariage arrangé sans oublier Ahmed Hammadi Chassin qui, entre ces deux fins stratèges féminins, est un fils et un frère bien maladroit. De situations grotesques en évènements de plus en plus loufoques, se profile un monde en train de changer: la nouvelle Russie socialiste. S’en sortir, pour chacun, revient à penser l’état du monde comme un déséquilibre à négocier en permanence. Résoudre chaque situation par des pirouettes de plus en plus risquées même lorsque les menaces de dénonciations, les difficultés matérielles se révèlent de plus en plus ingérables et inquiétantes.
La crainte d’y rester ou l’espoir d’en sortir se posent à égalité. Mais, le mandat du Parti sauve-t-il de toutes les situations ? Est-il même réel ? Les questions sont sérieuses, mais pour Erdman avoir le droit d’en rire est une façon de casser l’esprit pontifiant des politiques et les inquiétudes du quotidien incertain. On rit beaucoup des quiproquos et de toutes les solutions imaginées pour se sortir de situations parfois totalement loufoques, mais cela ne cache pas l’inquiétude, la folie d’un monde qui en est le terrain sous-jacent. Un monde qui n’est pas sans évoquer les folies et les atermoiements de la Russie actuelle. Cependant selon Erdman, l’espoir existe car “Il n’y a pas un état au monde où l’on permette de noyer les gens dans le vermicelle au lait” !


Le Mandat

Texte : Nicolaï Erdman
Mise en scène : Patrick Pineau
Traduction : André Markowicz

Avec: François Caron , Ahmed Hammadi Chassin, Marc Jeancourt, Aline Le Berre, Virgil Leclaire, Jean-Philippe Levêque, Yasmine Modestine, Nadine Moret, Arthur Orcier, Sylvie Orcier, Elliot Pineau-Orcier, Lauren Pineau-Orcier , Patrick Pineau

et la participation de Christian Pinaud et Jean- Philippe François

  • Dramaturgie : Magali Rigaill
  • Costumes : Gwendoline Bouget
  • Scénographie : Sylvie Orcier
  • Création lumières :Christian Pinaud
  • Création sonore : Jean-Philippe François
  • Construction décors : Maison de la Culture de Bourges
  • Peinture décors : Yann Launais
Toiles peintes par Léon Renaud

Durée estimée : 2 h 15


Théâtre de la Tempête – 75 012 Paris

Du jeudi 18 avril au dimanche 5 mai 2024 (relâche les lundis 22 et 29 avril)



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