Le grognement de la Voie Lactée
Texte : Bonn Park
Texte & Mise en scène : Maïa Sandoz & Paul Moulin
La télé, les réseaux sociaux n’arrêtent pas de nous le seriner sur tous les tons : le monde court à sa perte et à grande vitesse ! Il est temps d’entendre “Le grognement de la Voie Lactée” nous dit Bonn Park. Une écriture, un jeu des acteurs et une mise en scène qui s’autorisent le délire…!
Le tourbillon ovale des galaxies
L’immensité de l’espace, un trou noir, le tourbillon ovale des galaxies… Les spectateurs flottent dans l’immensité de la voie lactée…Soudain, un vaisseau spatial traverse le théâtre. Un petit extra-terrestre au mauvais caractère en sort furibond et vient prendre à parti cette espèce humaine qui n’a aucun sens des réalités et qui, d’errance en errance, d’une expérience à l’autre, finit par mettre à mal le monde qui l’entoure. La terre fait partie de la voie lactée et en pâtit comme les galaxies les plus lointaines. “Ressaisissez-vous !” clame haut et fort le visiteur de l’espace prenant en main une démonstration point par point de toutes les inanités et les bêtises qu’ont fait, ces derniers temps, – en dépit de la bonté qui les habite – les terriens irresponsables et incapables d’être à la hauteur de leurs créations !
Essayer de trouver des solutions qui sont justes pour sauver la planète, mais que c’est difficile ! Pourtant les idées ne manquent pas avec un minimum d’imagination ! Défilent alors les grands de ce monde essayant à leur habitude de trouver des voies inédites. Kim Jong Un se dit que la réunion des deux Corées pourrait être une meilleure solution que la famine ou les camps de travail. Donald Trump souhaite se débarrasser de sa fortune et se désole de ne pas avoir les moyens d’acheter toutes les armes du monde pour que cessent les guerres. Heidi Klum, la mannequin et actrice germano-américaine, propose parmi ses activités de bienfaitrice d’offrir ses services à une start-up qui dévore tous les êtres mauvais désignés par de riches clients. Rêves grandiloquents pour une terre en perdition et en manque d’idées originales, mais courage tout peut se réorganiser ! Même si “les services secrets et les grands baisent les petits et si les petits baisent les petits !”
Une écriture explosive et une fable baroque
Écrite par Bonn Park, un jeune auteur allemand d’une trentaine d’années, encore peu connu en France, “Le grognement de la voie lactée” a été récompensé en 2017 en Allemagne par un prix prestigieux de théâtre. “L’écriture explosive de Bonn Park s’inscrit dans le mouvement de la jeune et talentueuse dramaturgie allemande, dit du « théâtre de l’impossible, une dramaturgie libre, qui défie la mise en scène et oblige à l’invention” nous précisent Maïa Sandoz et Paul Moulin qui assurent la mise en scène de la pièce. D’imagination et d’invention, les deux metteurs en scène n’en manquent pas. Il s’agit ici de ne se perdre ni dans le vide intersidéral du sujet, ni dans le délire d’une fable où les scènes ponctuées par la musique de Nirvana ou de K-Pop, s’enchaînent d’une façon tout à fait baroque. La fable de cette pièce s’inscrit dans l’histoire longue de notre humanité et notre temps, mais nous crie aussi notre futur depuis le futur encore imaginaire de cette même humanité. Compliqué…C’est vrai !
“Ne pas sous-estimer le pouvoir du théâtre…”
Les récits s’enchaînent portés par le jeu complexe et tout en nuances de huit comédiens de talent, tout à fait “sales gosses”. Si l’ensemble de la fable est drôle, surgissent aussi la mélancolie et les espoirs déçus. Apparaît la déception des promesses non tenues, des tentatives avortées qui nous conduisent vers une issue racontant que certaines extinctions du monde sont déjà consommées. Travaillant sous la forme d’un jeu choral au cordeau, les acteurs passent d’une scène à l’autre, surgissent dans des lumières, des costumes ou des décors qui changent dans l’instant et qui sont une surprise permanente pour le spectateur. Comment allons-nous survivre? Comment agir depuis nos prisons individuelles ? Les questions surgissent également porteuses d’anxiété et d’incertitudes. Pourtant même coincé dans un espace-temps donné, une fonction ou un pouvoir, chaque personnage se révèle porteur d’espoir et tend vers la paix. Le tout sans l’espace d’une injonction politique ou le conseil d’une voie à trouver. Patrick Chéreau parlait du théâtre comme d’une oeuvre “importante et futile”. Maïa Sandoz et Paul Moulin reconnaissent ces qualités à cette pièce à la fois dans l’importance du sujet, la futilité de l’écriture et du jeu qui en découle. On passe de l’émotion à la drôlerie, des paillettes au fantastique, de la méchanceté cynique des personnages à la facétie des propositions entre réalité, fiction et humour précieux. “Ressaisissez-vous !” clament les uns ou les autres. Un espoir, un ras-le bol ou une expression du je m’en foutisme… Tout cela sans doute dans “une tension tragique et une démesure burlesque tout à fait salvatrice, et en effet… ça nous réveille ! C’est magique, car ce n’est « que du théâtre” concluent les metteurs en scène.
Rendez-vous avec le vaisseau spatial posé sur la scène du Théâtre de la Tempête car Il est temps enfin de nous ressaisir et “de ne pas sous-estimer le pouvoir du théâtre” !
Le Grognement de la Voie Lactée
Texte : Bonn Park
Mise en scène : Maïa Sandoz & Paul Moulin
- Assistanat à la mise en scène : Clémence Barbier
- Lumières : Romane Metaireau
- Création sonore et musicale : Grégoire Leymarie, Angie Mercier
- Costumes : Murielle Senaux
- Collaboration artistique : Guillaume Moitessier
- Régie générale : David Ferré
Avec : Matthieu Carle, Jeanne Godard, Angie Mercier, Fabien Rasplus, Quentin Rivet, Christelle Simonin, En alternance Marie Razafindrakoto ou Mélissa Zehnerann Poels
Durée estimée : 1 h 45
Du 3 au 23 juin 2023
Du mardi au samedi à 20h – Dimanche à 16h
Théâtre de la Tempête – – 75 001 Paris