La Grande Marée
Conception : Simon Gauchet
Texte : Martin Mongin
La légende nous emmène de la Méditerranée à l'Égypte ou le Hoggar, du Tibet à la Mongolie, en passant par la Suède, le Pérou ou le Mexique. Enfin personne ne le sait et le mystère reste entier. Car où se trouve l’Atlantide ? “La grande marée”, une pièce conçue par Simon Gauchet et écrite par Martin Mongin propose des directions possibles dans un voyage fait de rêve et d’incertitude.
Raconter et suivre ses rêves
Ils sont cinq sur le plateau nu du théâtre. L’un après l’autre, ils se racontent leurs rêves de la nuit et nous invitent à réfléchir aux nôtres, car disent-ils, réussir à retenir ses rêves, c’est comme la marée qui remonte. De plus, ajoutent-ils, à force de les raconter, nos rêves nocturnes constituent notre mémoire qui peut changer notre vision du monde. Et poursuivent les narrateurs, rappelez-vous, en 1989, ce petit groupe de philosophes de l’université de Berlin qui organisent une ambitieuse expédition maritime à la recherche de l’Atlantide. Le rêve par excellence. Ils sont convaincus, que l’engloutissement de la cité mythique se trouve à l’origine de notre fascination inconsciente pour la fin du monde et expliquent les bouleversements de notre monde actuel.
Pour Simon Gauchet, les acteurs et actrice qui le suivent et Martin Mongin qui écrit le texte, il n’est pas question de se priver. Le chemin est tout trouvé : laisser l’imagination nous emporter vers toutes les situations, quitte à dériver et à parcourir aussi bien le réel que le temps et les rêves…
Dans une fable et un jeu théâtral qui brouille les pistes, avec un texte qui semble surgir d’un jeu improvisé des acteurs, nous voilà conduits à travers les différentes visions de l’Atlantide, un mythe raconté depuis l’Antiquité et réapparu à intervalles réguliers dans de nombreuses cultures.
D’une spéléologie de la mémoire…
Pour l’écrivain Martin Mongin et le metteur en scène Simon Gauchet, la “recherche” de l’Atlantide s’est transcrite durant deux ans par l’exploration d’une géographie à la fois réelle et intime. Avec des comédiens, ils ont exploré, disent-ils, les grottes du Cap Fréhel, parcouru la Baie du Mont Saint Michel par grande marée, le site de Saint Just qui abrite des mégalithes, plongé dans la caldeira de Santorin, sondé la barre d’Étel, visité la grotte de Cougnac et exploré la plaine de la Crau.
D’une certaine façon, ces “traversées” réelles ont reconstitué à la fois physiquement et dans l’imaginaire la recherche de la cité de l’Atlantide. “Ces résidences ont fait naître des expériences et souvenirs communs, nous racontent les créateurs du projet, et une façon d’écrire du théâtre en marchant dans les rochers”. Assez déstabilisant est le début du spectacle. Un plateau nu, une lumière blafarde et crue. Cinq comédiens sur le plateau, en discussion informelle et prenant les spectateurs à témoin, se racontent leurs rêves, font de mauvaises blagues, se déplacent. L’un d’eux évoque, à un moment, les expéditions parties à la recherche de l’Atlantide. Changement de point de vue et d’atmosphère. Et si nos quêtes imaginaires, nos rêves d’exploration ne relevaient pas intégralement d’une exploration réelle, mais de celle d’un imaginaire sans limite qui nous permettrait de découvrir ce qui nous habite intérieurement ? Et si cela nous conduisait à donner une âme à l’exploration des lieux géographiques que l’on arpente ?
…à une dramaturgie incarnée
La lumière change tout à coup sur le plateau alors que monte une toile immense qui nous emporte vers la mer et le voyage. Nous voilà partis dans le récit de Platon à la recherche de l’Atlantide, rencontrant Brigitte Salino, journaliste au journal Le Monde et autrice de plusieurs articles sur le sujet. Nous voilà sur la mer, explorant des grottes où vécurent les hommes préhistoriques et navigant surtout entre le monde des mots et celui des rêves qui s’échappent. En 1989 aussi, le mur de Berlin est entrain de tomber. Berlin-Est et la RDA disparaissent tout comme l’Atlantide.
Les déplacements et les découvertes sont enchâssés dans un texte qui naît de visions successives, qui mélange la réalité d’un récit d’exploration et des fantasmes d’un imaginaire qui réinvente cette réalité. La force du récit tient aussi à une scénographie (Olivier Brichet et Simon Gauchet) qui ne s’appuie que sur la réalité théâtrale et le jeu plein d’imagination et de trouvailles des comédiens. Pas d’images ou d’arrangements numériques, mais uniquement des toiles peintes, des déplacements de pendrillons, d’objets animés par la lumière qui reconstituent un décor marin ou le fond d’une grotte. L’imaginaire porté par un texte riche et plein de poésie nous fait traverser le monde, met en scène notre imagination et nous conduit à une réflexion sur le sens de la naissance et de la mort, transformant la recherche de l’Atlantide en une quête métaphysique.
“La grande marée” nous emporte dans le rêve, dans le questionnement sans fin du “qui sommes-nous et d’où venons-nous” et c’est un vrai bonheur de théâtre qui, comme l’affirme Simon Gauchet, est le lieu où l’on représente ce qui ne peut pas l’être.
La Grande Marée
Conception : Simon Gauchet
Texte : Martin Mongin
Avec : Cléa Laizé, Rémi Fortin, Gaël Baron, Yann Boudaud
- Scénographie : Olivier Brichet et Simon Gauchet
- Collaboration artistique : Eric Didry
Durée : 2 h
Théâtre de la Bastille – 75011 Paris
Du 9 au 24 novembre
Du lundi au vendredi à 20h, le samedi à 18h, relâche les dimanches
TOURNÉE
Du 28 novembre au 1er décembre : TU – Nantes
Du 13 au 14 décembre : La Passerelle – Scène nationale de St Brieuc
18 mai : Le Tangram – Scène Nationale d’Evreux-Louviers