Je suis un oiseau de nuit- Adaptation et Mise en scène: Laurent Michelin

Je suis un oiseau de nuit

Adaptation & Mise en Scène : Laurent Michelin
D’après “Ida ou Le délire” de Hélène Bessette

Par une belle journée d’été, Ida traverse la rue et se fait faucher par un camion…Paquet de chiffons…Ida est morte, mais qui raconte ? Ida ? Mme Besson ?  Gertrude?…”je suis un oiseau de nuit” disait Ida…Si, comme on le dit, les yeux sont le miroir de l’âme …Qui est Ida ? 
Je suis un oiseau de nuit

Ida ? Elle ne levait jamais les yeux !…

“Ida ? Ida…Ne regardez pas vos pieds comme ça, voyons !…Et levez un peu la tête !…” La voix impérative se fait entendre sans que l’on voit la femme qui parle. Elle arrive couchée sur le dos d’un drôle de personnage dont on ne voit pas le visage et qui disparaît derrière un rideau ajouré…La femme vêtue d’une robe noire s’assoit dans un fauteuil et nous parle d’Ida…Mais qui parle ? Ida? Gertrude ou Mme Besson, les employeurs de Ida ? La femme continue de parler, de raconter Ida qui ne dit jamais rien et se comporte de façon si étrange, qui se promène la nuit dans la maison en disant quand on l’interroge à ce sujet “Je suis un oiseau de nuit”.…Mais Ida est morte projetée par un camion de l’autre côté de la rue…Évidemment , Ida regardait toujours ses pieds…

Ida : entre La Bonne et Madame

Ida est femme de ménage et cette thématique pourrait évoquer “Les bonnes” de Jean Genet, pourtant nous en sommes bien loin. Mis en scène par Laurent Michelin, “Je suis un oiseau de nuit” est un texte adapté de “Ida ou le délire”, un roman de Hélène Bessette qui présentait son texte comme “un roman sans paysage/ un roman réduit à sa plus simple expression…” et une vraie aubaine car il se rapproche du texte de théâtre avec d:es didascalies et un récit qui détermine des pistes cachées.
Le texte tourne autour de ce prénom “Ida”, car dit Madame: “Ida n’est pas comme nous…Elle n’est pas du même monde…Et nous qui pensions que Ida était comme nous…que Ida était à nous”. Le nom de Ida se répète comme une interrogation ou une affirmation. Vivante, elle baissait les yeux, morte, elle semble les ouvrir et devenir un mystère qui la camoufle encore plus. Le texte d’Hélène Bessette, également adapté par Laurent Michelin, se déroule selon des pistes cachées qui camouflent les personnages ou naviguent sur des chemins de non-dits. Un double personnage se détache et navigue dans la confusion entre la Bonne et Madame. “Ida ou le délire” est le titre du livre d’Hélène Bessette. Tenant compte de cette direction, Laurent Michelin met en scène l’incertitude, la confusion entre ce qu’est le personnage et ce qu’il n’est pas.

Je suis un oiseau de nuit- Adaptation et Mise en scène: Laurent Michelin
Photos © Fanchon Bilbille

“Ida…elle ne vit pas dans le même monde que nous”

Dans les imprécisions de la narration, naît à la fois le délire de l’histoire et un texte qui se fait matière, flou poétique et à la limite du monde des vivants et des morts. Ida est une forme non identifiable qui imagine peut-être sa mort et la raconte ou qui, tel un fantôme invisible de son vivant, s’impose dans la mort. Devenant cet oiseau de nuit enfin “vivant”, Ida prend-elle conscience du monde mort de ses employeurs ?
Une seule comédienne est porteuse du texte à dire brodé d’interrogations, de mots creux, de répétitions, d’inquiétudes ou d’affirmations. Dans un jeu sensible et qui souligne les certitudes et les mépris des employeurs, essayant de trouver un itinéraire cohérent en écrivant et en traçant des chemins sur le sol, Christine Koetzel passe d’une idée à l’autre, laissant apparaître l’absurdité, le mépris des classes et faisant entendre aussi les décalages de sens dans le récit. Face à elle, un personnage, pouvant représenter Ida morte, se déplace “hors des mots”. Marion Vedrenne, proche d’une marionnette manipulée par la comédienne, collé au corps de celle qui parle, le visage figé, voilé ou masqué développe son jeu dans un mouvement délié et parfois inquiétant. Alors que le texte ne présente aucun liant, le jeu des deux actrices, soutenu par le mouvement des lumières sur le plateau, décale les situations, trouve une parole enfin libre qui ouvre, dans le mouvement, les silences de la servante disparue.

Je suis un oiseau de nuit- Adaptation et Mise en scène: Laurent Michelin
Photos © Laurent Michelin

Hélène Bessette, “née obscurément” en 1918 est décédée en 2000. Elle a écrit treize romans parus entre 1953 et 1973. Oubliée de la littérature, son travail d’écrivain a été mal reconnu. La création du personnage de Ida n’a rien de hasardeux puisque pour pouvoir vivre, Hélène Bessette a été femme de ménage. Comme le personnage de son délire, ne pouvant changer le monde mais en étant consciente, elle a souhaité en jouer. Tenant compte du montage précis d’une écriture en recherche de sens, la mise en scène de Laurent Michelin, le jeu subtil et intelligent des deux comédiennes nous permettent de rencontrer et de découvrir les creux et les bosses d’un texte magnifique et en quête de lui-même.



Je suis un oiseau de nuit

Adaptation & Mise en Scène : Laurent Michelin

D’après “Ida ou Le délire” de Hélène Bessette – Editions Le Nouvel Attila

Avec : Christine Koetzel et Marion Vedrenne

  • Construction masque et costume : Lucie Cunningham
  • Regard extérieur : Pascale Toniazzo, Vivien Ingrams

Durée estimée : Environ 1 h 15


Du 20 au 30 Avril 2023 –
Du jeudi au samedi à 21 h – Samedis et dimanches à 16 h30

Théâtre de l’Épée de Bois – Cartoucherie – 75012 Paris

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