Théâtre - "House" Texte et Mise en scène: Amos Gitaï

House

Texte et Mise en scène : Amos Gitaï

Écrivain et réalisateur, Amos Gitaï est né en 1950 à Haïfa en Israël. Titulaire d’un doctorat d’architecture de l’Université de Berkeley, c’est peut-être ce qui l’a incité à consacrer son premier film House à la construction d’une maison à Jérusalem Ouest. Adapté pour le théâtre, le documentaire est devenu une pièce fleuve qui remonte le cours du temps… Au milieu des coups de marteau, la maison se construit et sur la scène du théâtre de La Colline à Paris vibrent le français, l’anglais, l’hébreu et l’arabe…    
Théâtre - "House" Texte et Mise en scène: Amos Gitaï
Photos © Simon Gosselin

Une maison à Jérusalem

Sur le plateau du Théâtre de la Colline, un immense chantier. Des échafaudages,, deux ouvriers qui frappent sur des blocs de pierre…car “House” raconte l’histoire d’une Maison de Jérusalem Ouest, pendant un quart de siècle au travers des récits de ses occupants successifs, Arabes et Juifs, Palestiniens et Israéliens. Au début de la pièce, une voix qui parle des plages de Tel Aviv, des rêves qui se sont brisés au fil du temps et qui se demande de quoi demain sera fait.
Revenant sur sa trilogie documentaire – La Maison (1980), Une maison à Jérusalem (1997), News from Home (2005)- Amos Gitaï insiste dans cette création théâtrale sur les destins des occupants successifs de cette maison toujours en cours de transformation depuis plus de 25 ans. Remontant le cours du temps, le dialogue naît, les oppositions et les frustrations se dessinent…La maison devient le personnage central qui écoute, retient et qui, dans l’épaisseur du temps qui s’écoule, finit par offrir à chacun une place possible dans l’enchevêtrement des oppositions et des rapprochements.

Théâtre - "House" Texte et Mise en scène: Amos Gitaï
Photos © Simon Gosselin

Une archéologie des mondes

“Au Moyen-Orient plus qu’ailleurs, nous dit Amos Gitaï, le geste de l’artiste se rapproche de celui de l’archéologue. Il s’agit de prendre en considération les strates, les mémoires et les histoires pour approcher les situations humaines contemporaines”.
À la façon des archéologues qui creusent et questionnent les sites qu’ils explorent, Gitaï traque l’histoire de cette maison en donnant la parole à ses différents occupants. Le premier propriétaire était en 1948 un médecin palestinien qui, à la suite de la guerre des Six Jours, quitte le pays pour la Jordanie. La maison réquisitionnée, en raison de la “loi sur la propriété des absents”, établie par l’État d’Israël, a été attribuée à différentes Israéliens qui ont pu la louer, puis l’acheter, la transformer et l’occuper. “Pourquoi je ne peux pas construire sur ce terrain qui appartient à mon père, alors qu’un immigrant russe le peut ? ” s’interroge le premier propriétaire palestinien de la maison.

Sur le chantier de la reconstruction et surtout de la transformation de la maison, se dessinent aussi les secrets et les mises à l’écart. En remontant le cours du temps se dessine des biographies plus ou moins précises, ceux qui peuvent parler et en face le silence des occupants que l’on préfère ignorer, mais à qui, dans la pièce, Gitaï donne la parole. Le témoignage du médecin palestinien qui fut le premier propriétaire de la maison dessine alors une forme de secret que seule la maison retient dans ses murs. Arabes et Juifs, Palestiniens et Israéliens, ils se sont succédé. Sur le plateau de théâtre, ils finissent par se croiser et par dialoguer. L’histoire de la maison devient alors la métaphore des cultures du monde présentes dans tout le Moyen Orient et prend la forme des dialogues initiés par tous les artistes sur le plateau. Les langues se croisent, les musiques se répondent, la mémoire du passé même occulté ressurgit. De la démolition de la maison, de la remise en état qui s’en suit, paroles, silences et hallucinations prennent corps. Les cultures s’opposent ou se répondent et “dans l’épaisseur du temps qui s’écoule, la Maison fabrique alors des places possibles pour tous”. Le cours du temps recompose les destins. La maison devient le personnage central, métaphore de ce monde construit et surgi des oppositions . Se racontent les histoires de ces Israéliens venus du monde entier. La renaissance de l’hébreu, qui mettra de côté la langue des pays de naissance, le refus de reconnaître aussi les habitants nés , vivant depuis l’Antiquité sur cette terre et récusés depuis 1948, date de la naissance de la maison. À partir des fragments biographiques des personnages, du dialogue entre les musiques, se reformule l’histoire d’un pays aux origines variées, se rencontrent les traditions musicales et les langues qui reconstruisent le passé et ouvrent la possibilité d’une réconciliation.

Théâtre - "House" Texte et Mise en scène: Amos Gitaï
Photos © Simon Gosselin

Des corps et des voix

Comme dans ses films, Amos Gitaï construit ici une scénographie qui ouvre les espaces. Sa mise en scène se fonde sur des images projetées qui insèrent les corps et les voix des comédiens. Sa formation d’architecte est sans doute à l’origine de ce déplacement des corps qui conduit les comédiens à un rapport particulier sur le plateau. La construction du décor basée sur des échafaudages déplacés puis remis dans une autre perspective, crée un ancrage spatial qui renouvellent le sens des récits, ancrent les langues de ce Moyen-Orient dans des perspectives qui ouvrent des sens différents. On passe du français à l’hébreu ou l’arabe, on entend parler de l’origine turque ou maghrébine de certains Israéliens arrivés dans le pays qui parlaient ces langues et ont dû apprendre l’hébreu. L’expression des langues, les codes sociaux ou religieux, le refus de laisser s’exprimer les Palestiniens sont autant de rappels à l’exploration nécessaire pour signaler toutes les origines différentes des habitants de ce pays minuscule. Entre archéologie et réalité sociologique, cette maison devient la métaphore de la réalité israélienne. “Israël se vit encore comme un État sans histoire, qui déploie des efforts surhumains pour excaver un petit morceau de mur de l’époque de Salomon et raser des quartiers entiers. On est toujours dans l’abstraction de la période sioniste” souligne Gitaï. Israël, depuis sa création, a toujours vécu dans un hiatus permanent. Pris entre le caractère monstrueux perpétré par le nazisme qui a conduit au soutien de l’Occident et à la création de l’État israélien, pour le monde arabe, Israël a remporté une victoire après l’autre contre les Egyptiens, les Jordaniens, les Palestiniens…La question est posée et reste entière. Gitaï s’efforce d’imaginer des solutions possibles sans aucune réponse juridique ou politique .

Théâtre - "House" Texte et Mise en scène: Amos Gitaï
Photos © Simon Gosselin

En soulignant ce qui distingue l’ensemble des habitants de ce pays et leurs voisins, en gardant trace de la manière dont bouge, parle ou se tait un enfant de Ramallah, se justifient des ouvriers palestiniens sur un chantier israélien, une native de Tel-Aviv, une jeune juive progressiste américaine, un vieux paysan des collines près de Naplouse, la porte pourra peut-être un jour s’ouvrir. Dans “House” Amos Gitaï tente d’imaginer des chemins possibles, les comédiens et musiciens tous talentueux et d’une générosité totale nous le laisse espérer.



House / création au Théâtre de La Colline

Texte et Mise en scène : Amos Gitaï

Spectacle en français, anglais, arabe, hébreu surtitré en français et en anglais

Avec :
Bahira Ablassi, Dima Bawab, Benna Flynn, Irène Jacob, Alexey Kochetkov, Micha Lescot, Pini Mittelman, Kioomars Musayyebi, Menashe Noy, Minas Qarawany, Atallah Tannous, Richard Wilberforce

  • Assistanat à la mise en scène : Talia de Vries
  • Adaptation du texte : Marie-José Sanselme et Rivka Gitaï
  • Scénographie : Amos Gitaï assisté de Philippine Ordinaire
  • Lumières : Jean KalmanSon : Éric Neveux
  • Direction musicale : Richard Wilberforce
  • Collaboration vidéo : Laurent Truchot
  • Maquillage et coiffure : Cécile Kretschmar
  • Costumes Marie La Rocca assistée d’Isabelle Flosi
  • Préparation et Régie surtitres : Katharina Bader
  • Construction du décor atelier de La Colline – théâtre national

Durée estimée : Environ 2 H


du 14 mars au 13 avril 2023 au Grand Théâtre
Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30
– 75020 Paris

Théâtre de La Colline
75020 Paris

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