Théâtre - Électre : Mise en scène: Sophie Bellissent

Electre. Le Banquet Tragique

Texte : Luis Tamayo / D’après Eschyle, Euripide, Sophocle et Sénèque
Mise en scène : Sophie Bellissent

Fille d’Agamemnon et de Clytemnestre, Électre est aussi la soeur d’Oreste. Tous les deux descendants de cette famille maudite que sont les Atrides. Échapper à la malédiction des dieux et permettre aux derniers descendants d’Agamemnon d’atteindre enfin la liberté. Réveiller les consciences, à travers cette histoire qui a construit le théâtre antique, tel est le désir de Sophie Bellissent, metteure en scène de ce spectacle qui, sous la plume de Luis Tamayo, revisite le mythe et en propose une vision très moderne.   
Théâtre - Électre : Mise en scène: Sophie Bellissent
Photos © Shayloo-Photograph

Un cri inconsolable…

“Un cri inconsolable…Une douleur qui ne connaîtra jamais le repos”… Dès ces premiers mots se trouve posée la douleur d’Électre qui ne parvient pas à oublier son père, le roi Agamemnon, assassiné par son épouse Clytemnestre et son amant Égisthe après son retour vainqueur de la guerre de Troie. Rongés par une ambition dévorante, les usurpateurs règnent sur Argos et sèment la terreur. Pour préserver leur suprématie, les tyrans oppriment le peuple, réécrivent l’histoire et veulent supprimer l’hommage de la mémoire populaire, à l’illustre Agamemnon. Mise à l’écart dans la maison de sa mère, Électre, sans se soucier de sa vie, s’impatiente. Irréductible, elle se bat pour venger la mort de son père et obtenir réparation. Son frère Oreste a été mis à l’écart et exilé alors qu’il était enfant, depuis une dizaine d’années. Il revient enfin, mais loin de sa famille, il ne connaît rien des malversations mises en place par les usurpateurs. Lui et sa soeur Électre sont les derniers descendants et les héritiers légitimes du pouvoir. Face à cette soeur implacable et inconsolée, il devra choisir son camp : libérer le peuple, faire justice et reprendre la place qui leur revient…

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Photos © Shayloo-Photograph

Un véritable labyrinthe mythologique !

Se confrontant aux textes d’Eschyle, Sophocle, Euripide et Sénèque, les auteurs grecs de l’Antiquité qui ont écrit à des époques différentes l’histoire d’Électre, Luis Tamayo s’en inspire et en propose une vision plus moderne. La tentative est difficile, mais le résultat est des plus intéressants. Se détachant de la confrontation avec Zeus proposée par le Théâtre Antique, le jeune auteur met le personnage d’Électre au centre de sa pièce. Aidée par des gens anonymes du peuple, notamment Harmonie, une jeune esclave du palais, porte-parole des bacchantes réfugiées dans les bois, Électre veut venger son père et remettre la loi au centre du pays. L’arrivée de son frère Oreste avec Eidolon, son mystérieux compagnon de route, va apporter à Électre le soutien dont elle a besoin. Soutenus par Le Sage, un ancien homme de confiance d’Agamemnon, ils deviendront des alliés indéfectibles à la vengeance du crime et au rétablissement de la dynastie. S’opposant à sa mère, à Egisthe et parfois à Oreste, Électre est une rebelle intraitable, irréductible dans l’accomplissement d’une vengeance dont sa survie dépend. L’entreprise est des plus périlleuses. Cette résistance s’enracine dans un héritage issu d’une époque primitive où régnaient les dieux et les démons. Un héritage bafoué par les imposteurs d’un pouvoir qui appartenait aux Atrides et dont elle est l’héritière .

Théâtre - Électre : Mise en scène: Sophie Bellissent
Photos © Shayloo-Photograph

Une mise en scène réactualisée

Sur le plateau, le jeu des comédiens, et particulièrement celui de Pauline Nadoulek qui joue le rôle d’Électre, est d’une très belle tenue et d’une grande énergie. Ce jeu globalement impeccable, durant toute la pièce, est cependant parfois cassé par des émotions trop marquées, proposées par certains acteurs.
Par ailleurs, il faut aussi souligner les qualités de cette mise en scène qui choisit le dépouillement du plateau et propose la recherche vers une tragédie grecque inscrite dans notre temps. La présence d’une énorme baignoire qui revient plusieurs fois sur la scène oriente la dramaturgie. Elle met à la fois au centre et en filigrane la présence d’un Agamemnon qui souffle la vengeance et continue d’influencer ses descendants d’une façon implacable. Les colonnes dispersées sur la scène, la luxuriance des costumes, les lumières qui jouent entre l’ombre et l’obscurité soulignent les corps et les actions, suggèrent d’autres voies à explorer, proposant ainsi des chemins pour une représentation réactualisée du théâtre antique.

Réveiller les consciences…

“Il s’agit bien, ici, de raconter une histoire universelle, de transmettre un héritage fort et SURTOUT de profiter du génie de nos poètes antiques pour réveiller les consciences”. Telle est l’orientation de la metteure en scène Sophie Bellissent concernant son projet. L’écriture de Luis Tamayo lui a permis une mise en scène qui échappe aux critères classiques de la tragédie. Égisthe est un roi mal élevé et même grossier dans son apparence. Clytemnestre lui fait écho par des postures loin de celles qu’on attend d’une reine. Les personnages d’Électre, d’Oreste et de leurs soutiens révèlent, dans leur quête de la justice, une résistance qui a un parfum de modernisme se traduisant par un rejet total et libre des soumissions aux dieux.
“En quête de liberté́ et de justice, les personnages commettent des crimes où l’amour et l’ambition ne connaissent aucune limite, où chaque choix est fatal”, souligne la metteure en scène. Dans cet univers, les dieux, les humains et les monstres se ressemblent, se confondent et une question essentielle se pose : comment conserver son humanité ?
Car pour Électre et Oreste trinquer à la santé de leur père à la table des assassins, puis choisir de le venger est une façon de poursuivre le chemin des violences, des guerres et de refuser le choix des deuils à faire. Pourtant un chemin existe peut-être une fois la vengeance accomplie. “Aujourd’hui, la folie vengeresse emporte avec elle les guerriers sacrés, conclut Le Sage, Est-ce enfin le salut ?” Peut-être est-ce l’ouverture possible d’un chemin qui se ferme enfin à la vengeance pour s’ouvrir à la véritable liberté.



Electre : Le Banquet Tragique

Texte : Luis Tamayo

D’après Eschyle, Euripide, Sophocle et Sénèque

Mise en scène : Sophie Bellissent

Avec : Pauline Nadoulek, Jonathan Hostier, Sandra Veloccia, Philippe Simon, Luis Tamayo
Marie Jocteur ,Philippe Godin, Sophie Belissent , Emmy Sollvelles

  • Assistance à la mise en scène : Jonathan Hostier
  • Scénographie : Sophie Belissent
  • Création Lumière et Régie : Mathieu Courtaillier
  • Chorégraphies : Elisabeth Bardin
  • Costumes : Nadia Izebaten
  • Photographies : Alain Tomazo & Shayloo Photograph

Durée estimée : Environ 1 h 40


Vu au Théâtre de l’Épée de Bois
Cartoucherie – 75012 Paris

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