Elle bouge… Elle s’agite dans tous les sens…Elle parle comme une petite fille ou une vieille dame…Elle, c’est Michal Svironi qui, à sa suite, nous entraîne dans son cabaret intime et burlesque dans lequel l’élan vital bat la mesure. Ne pas se laisser désarçonner et  la suivre en toute confiance !…On en sort les yeux pleins de couleurs et la tête prête à retourner sur les chemins de ses propres souvenirs… 

Le fil conducteur des générations 

On a tous des souvenirs lointains de la petite enfance. Ceux qui se rattachent à l’image brouillée d’une grand-mère disparue, à des histoires ou des secrets familiaux qu’on nous a racontés…On est devenu peu à peu les dépositaires d’un héritage sans fond, sans continuité et qui, parfois nous encombre la tête. Mêlant le monde des arts plastiques et le théâtre, créant un monde visuel plein d’imagination et de détours, Michal Svironi nous conduit dans les méandres de son histoire familiale réelle ou imaginaire. Ses mots font apparaître ces esprits, ces fantômes de personnes de la famille, qui, même sans les avoir connus, laissent une trace dans notre mémoire. Elle se transforme en artiste de cirque, en peintre et dans un mouvement permanent, elle nous invite dans son imaginaire. Des personnages démiurges se déploient en quelques minutes sur la scène et nous entraînent à leur suite, dans une farandole parfois macabre.

L’embrouillamini des histoires familiales

Comment échapper au trou noir de la naissance ? Comment dans cet embrouillamini de souvenirs transmis ou personnels, trouver son propre chemin et écrire son propre avenir ? Les mots ne suffisent pas et pour donner une forme à sa réflexion, Michal Svironi a besoin de l’exprimer avec son corps et ses mains. Peu à peu elle parvient à débroussailler le chemin de ses rêves. Un chemin parfois confus et encombré. Dans une démonstration à la fois personnelle et poétique, en direct, face au public, Michal Svironi raconte. La naissance, selon elle, est en fait un énorme trou noir d’où surgissent les souvenirs des ancêtres. Pouvoir s’y retrouver et créer son propre chemin revient à travailler sur une carte blanche qui accueillera de nouveaux dessins, de nouvelles formes et surtout des couleurs inédites que l’on inventera pour soi-même.

Pas de pinceaux pour mélanger la peinture. Utilisant ses doigts, elle trace des lignes sur des feuilles posées sur son buste, diffuse des couleurs, les mélange…Des images surgissent, des silhouettes de carton se détachent… Celles de ses parents, de sa grand-mère, de sa fille…Dans son récit pictural, apparaît l’univers de son enfance, se dessinent les peurs, se construisent des réponses à un questionnement, qui, peu à peu, ouvre vers un univers plus personnel. Un fil conducteur, représenté par une pelote de laine que l’on déroule. Une liste qui sort de “la bouche” des parents s’exprimant à travers ses mots et ses mouvements.  La “clarté”  surgit , finit par relier les générations et conduit à ces questions éternelles : qu’est ce que l’on a reçu ? Et nous que laisserons-nous après nous ? Que faire de cet héritage sans fond et sans continuité déposé au fond de nous ?  

Un rêve en images où règnent les esprits et les fantômes 

“Étirant des lignes de couleurs Michal Svironi crée un univers à la croisée des arts plastiques et du théâtre, dans un collage grotesque de séparations”. Tournant le dos au pathos, usant de l’autodérision et de l’humour, l’artiste nous conduit. Ça s’embrouille, ça surprend, on se perd dans une parole mouvante et des images peintes à vue d’oeil. Des personnages qui ressemblent à des fantômes nous regardent, sourient de façon étrange, nous invitant à notre tour, à regarder le ciel et à nous interroger. Le plateau de théâtre devient le lieu d’un monde en mouvement, imprécis et encombré. Peu à peu, ces figures esquissées sur le papier font naître des figurines plus vivantes qui surgissent d’espaces plus secrets. Avec frénésie, le plateau du théâtre a été totalement maculé. La peinture a giclé, les pigments ont coulé. Le costume de la comédienne est devenu un tableau de couleurs aux formes esquissées. Les visages et les silhouettes unis par des liens invisibles ont ouvert des portes qui nous attachent, à notre tour, à nos parents, aux fantômes de notre mémoire, à nos aïeux.

À la fin du spectacle, les pieds sur terre et la tête dans les nuages, l’imaginaire de Michal Svironi avec ses mots, ses personnages de peinture ou de papier a fini par ouvrir en nous d’autres espaces où se tiennent nos propres ancêtres, nos descendants et la partie la plus intime de nous-mêmes. Notre page blanche nous attend. Nous pouvons à notre tour peut-être grandir et remettre à sa place l’héritage familial. La démarche surprend, nous embrouille parfois, mais l’artiste peintre-comédienne nous prend la main et nous invite à creuser dans les trous de nos propres souvenirs. On peut le faire, affirme-t-elle et ce n’est pas si compliqué !