Théâtre - 78.2 à la Vilette

78.2

Texte et mise en scène : Bryan Polach

78-2. Le numéro d’un article du code pénal qui définit les conditions des contrôles d’identité. Un article auquel les policiers sont confrontés au quotidien. Une thématique assez peu abordée au théâtre et qui donne ici une pièce à la fois drôle et violente. Deux filles et deux garçons totalement impliqués dans un jeu physique des plus sincères. 
“ 78.2”. Le titre minimal  d’une pièce écrite et brillamment mise en scène par Bryan Polach.      

Les territoires perdus de la République

Dans une autre vie, Thom était policier. Que s’est-il s’est passé ? Un accident ? Une perte quelconque ? Thom ne se souvient de rien et il a arrêté son métier. Ce soir-là avec des amis, ils font la fête. Et il y a cette fille que personne ne connaît, ils se plaisent. Quand elle dévoile son identité et son métier, tout bascule. Les sentiments entre Thom et cette femme déchirent les oublis…La justice et l’injustice des relations entre les habitants des quartiers populaires et les policiers remontent dans les mémoires. La violence naît sur le plateau à hauteur d’histoires personnelles, de souvenirs nationaux et dans le questionnement de cet article 78.2. De quelle façon est conditionné le contrôle d’identité dans ces quartiers ? De quelle façon la violence qui en surgit est-elle vécue par les habitants et les policiers ?
L’histoire d’amour qui ne parvient pas à se concrétiser entre Thom et cette jeune femme policière devient la pierre d’achoppement qui met en exergue des histoires personnelles douloureuses. De la réalité du métier de policier au quotidien, surgit le récit et la violence sociale d’histoires parfois cauchemardesques. Sur la scène, ces récits se traduisent dans la rapidité de la parole, au travers de mouvements qui envahissent et projettent parfois les corps dans des chorégraphies incontrôlées. Sur le plateau, l’article 78.2 devient “le symbole et le miroir des fractures sociétales françaises” , précisent Byron Polach et Karine Sahler, qui, avec le metteur en scène, a travaillé sur la dramaturgie et le texte de la pièce.
Peu à peu, au-delà de cet aspect du contrôle habituel et normal, sont soulignés les excès qui peuvent en résulter, conduire à la violence et même à la mort. Comme ces personnes qui ont perdu un oeil lors de manifestations des gilets jaunes ou la mort d’un Adama Traoré. Comment peut-on mourir lors d’un contrôle d’identité ?

78.2 théâtre
© Lea Neuville

78.2. Un symbole de la fracture sociétale

La pièce s’interroge alors sur ce que peuvent penser les fauteurs de troubles, les révoltés mais aussi les policiers face aux violences. Le tapis rond et rouge qui était au début de la pièce le lieu de la danse et de la soirée festive se transforme en espace d’affrontement. Des actions de plus en plus violentes finissent par supprimer la fête et les rencontres. Un coup de fil étrange transforme l’atmosphère, des objets lourds se fracassent sur la scène, la table devient un bouclier de protection. L’intimité de l’appartement, les rires et le sentiment de protection du début de la pièce sont disloqués par l’irruption d’un extérieur violent et totalement imprévisible. La complicité des débuts explose au fur et à mesure qu’une autre réalité s’impose et laisse la place à toute la violence du monde.
La pièce devient ainsi porteuse des buts proposés par l’ensemble des acteurs et des créateurs de la pièce. “Les faits sont les faits, et certains nous révoltent, précise Bryan Pollach. Les logiques politiques à l’œuvre sont parfois à l’opposé de nos convictions. Cependant, nous avons une ambition : pouvoir rassembler dans une même salle des officiers de police, des militants, des habitants confrontés à des contrôles à répétition: et que chacun puisse y trouver à penser, à éprouver”.
La pièce a fait l’objet de deux ans de recherches. Il faut souligner la précision de ce travail minutieux et très poussé qui a inclus tous les membres de la compagnie y compris les comédiens. Les entretiens menés dans la police, impossibles à enregistrer ont été mis en jeu directement avec les interlocuteurs sur le plateau, des interactions ont été menées avec le public, une réflexion avec des journalistes, spécialistes des violences policières, des militants associatifs et bien d’autres. Le résultat en est ce texte qui dérange et remet en question l’utilisation de plus en plus invasive du contrôle de l’identité.
En dépit parfois d’un flottement dans le jeu des acteurs, la pièce présente une grande force. La complexité et la précision dans l’écriture s’appuie sur une mise en scène tout en mouvement qui ouvre l’espace du jeu. Partant ,au début de la pièce, de l’espace intime et calfeutré, nous sommes conduits peu à peu vers un espace public inquiétant où la violence du monde nous saute à la gorge et nous oblige à nous interroger. Une pièce dérangeante, courageuse et qui gagne à être vue.



78.2

Texte et mise en scène : Bryan Polach


  • Collaboration artistique : Karine Sahler
  • Assistante à la mise en scène: Giuseppina Comito
  • Regard chorégraphique : Clément Aubert
  • Scénographie : Chantal de La Coste
  • Vidéo : Hélène Harder
  • Création lumière : Laurent Vergnaud
  • Création sonore : Didier Léglise
  • Régie plateau et régie générale : Julien Hélin

Photos © Léa Neuville

Avec : Thomas Badinot, Émilie Chertier, Laurent Evuort-Orlandi, Juliette Navis en alternance avec Émilie Incerti Formentini

Durée estimée : 1 h 30


Du 11 au 21 Janvier 2023 – Mercredi : 20 h – Jeudi à Samedi : 19 h – Dimanche : 15 h30

Théâtre Paris-Villette– 211 Avenue Jean Jaurès -75019-Paris


Tournée : dates en cours de réalisation


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